Que faire ? La crise politique prolongée au fédéral fait s’interroger certains (qui osent croire qu’il ne s’agit pas d’une fatale crise existentielle) sur notre régime politique, en particulier notre système électoral. Deux économistes de l’UCLouvain s’avancent. Dans la revue Regards économiques (1), Pierre Dehez et Victor Ginsburgh publient (avec l’aide de Benoît Pilet et Jean Hindriks, soulignent-ils) un article scientifique qui est une tentative d’élaborer un nouveau mode de scrutin. Le but, on l’a compris, est de clarifier le jeu politique, en particulier le jeu des coalitions, une spécialité belgo-belge qui égale le casse-tête chinois.
Le schéma de Koen Geens
Les signataires repartent de la proposition formulée par Koen Geens en décembre dernier. Avant d’entrer en piste comme chargé de mission royale, fin janvier, le chrétien-démocrate flamand avait en effet lancé une petite idée personnelle dans la mare : pourquoi, avait-il suggéré, ne pas donner cinq voix à chaque électeur (électrice), qu’il (ou elle) pourrait répartir ensuite comme il l’entend entre les différents partis en présence, cela en privilégiant l’une ou l’autre formation s’il le souhaite (sur laquelle il reporterait deux, trois, quatre ou les cinq voix disponibles), ou en distribuant les points plus largement (par exemple en répartissant ses voix équitablement entre cinq formations).
Koen Geens donnait cet exemple « au hasard » (quoique), pour comprendre : « Un électeur peut donner deux voix à Groen parce qu’il considère que la question du climat est importante, deux voix à la N-VA parce qu’il souhaite une politique migratoire stricte et une voix au CD&V qui apporte paix et stabilité. »
Bref, de cette façon, l’électeur exprimerait mieux ses opinions et préférences. Ce qui permettrait aussi, du moins est-ce un peu le but du jeu, de faire advenir plus aisément des coalitions par la suite.
Majorité gouvernementale
S’inspirant très directement de cette idée lancée par Koen Geens, Pierre Dehez et Victor Ginsburgh « simplifient » le schéma général et proposent à leur tour ceci : chaque électeur serait doté de « trois voix maximum », dont il disposerait à loisir, en cochant trois formations sur son bulletin de vote, ou deux formations, ou une seule. Ajoutez que, dans le même temps, sur un bulletin séparé, il aurait à se prononcer cette fois pour ce qui concerne les candidats, selon le même schéma, et là encore en panachant son vote s’il le souhaite.
Les auteurs explicitent : « Les électeurs devraient certainement apprécier d’avoir l’occasion de mieux faire connaître leur opinion et cela pourrait fournir des indications utiles dans le cadre des négociations visant à la constitution d’une majorité gouvernementale. La proposition de Koen Geens va pleinement dans ce sens, mais nous pensons qu’il faut éviter de permettre aux électeurs de donner plus d’une voix à un même parti. Par ailleurs, il faudrait aussi limiter le nombre de voix dont chaque électeur dispose. Un maximum de trois voix nous semble une limite raisonnable. »
Là toujours, l’objectif est de clarifier le jeu politique et de faciliter l’avènement de coalitions, qui pourraient émerger des urnes, du moins se dessiner en pointillé. Tout en sachant que la persistance (ne parlons pas de l’accroissement) d’un puissant vote séparatiste au nord du pays serait de nature à contrarier tous les bons plans et les meilleures intentions.
David Coppi
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