Le portrait-robot génétique, c’est parvenir à définir la morphologie d’un individu (couleurs des yeux, sexe, etc.) sur base d’une trace laissée sur les lieux d’un crime. La Belgique est à la traîne en ce domaine. En matière judiciaire, notre pays se contente de comparer les différentes banques de données ADN afin de voir si une trace correspond à celle d’un suspect, d’un condamné ou d’une autre trace non identifiée. Elle ne va pas plus loin dans l’exploitation de l’ADN. Mais cela pourrait changer. Le ministre de la Justice Koen Geens (CD&V) nous apprend que ce sujet pourrait être sur la table du prochain gouvernement.
Tueurs du Brabant
Longtemps après les Pays-Bas (précurseurs), l’Allemagne vient de légaliser le portrait-robot génétique, tandis que la France l’autorise sur base de la jurisprudence et que bon nombre d’autres pays européens (Portugal, Espagne, Royaume-Uni…) le tolèrent. La Belgique ne l’autorise toujours pas, « alors que de nombreux magistrats sont demandeurs », insiste l’un d’eux.
Comme la pratique est illégale en Belgique, les labos refusent de faire de telles analyses. Résultat : il est arrivé (au moins une fois) que le magistrat belge envoie un échantillon en France où la pratique est autorisée. Ce fut le cas pour un échantillon ADN du dossier relatif aux tueurs du Brabant, qui fut envoyé dans un labo de la police scientifique à Lyon.
Actuellement, voici ce qu’un échantillon ADN permet de dire de l’individu : sexe, couleur de peau, couleur des yeux, couleur des cheveux et typologie (bouclés…), calvitie précoce, taches de rousseur. « Mais la technique évolue très fort », nous confie le spécialiste François-Xavier Laurent, ingénieur à la police scientifique au laboratoire de Lyon (France). « Depuis peu, l’ADN permet de déterminer l’âge de l’individu, à 3 ans près, si l’on part de sperme ou de salive. On voudrait aussi pouvoir donner la taille d’un individu, mais la marge d’erreur est encore trop importante, donc nous n’utilisons pas encore cet élément ». Parviendra-t-on, un jour, à sortir le portrait-robot d’un suspect en image sur base de son ADN ? Comme les dessinateurs de la police le font sur base des témoignages recueillis ?
Squelette de Marseille
« Pas encore mais d’ici 5-10 ans, on y arrivera ! Actuellement, la technique ne permet pas encore de déterminer la taille du nez, l’écart entre les yeux, le développement du menton », répond l’expert français. « Cela n’empêche pas des labos privés, aux États-Unis, de sortir des images sur base de l’ADN ! C’est très aléatoire et leur méthode n’est pas scientifiquement valable ».
En France, le portrait-robot génétique (PRG) a été utilisé dans 60 affaires criminelles depuis 3 ans. « Dans un quart des dossiers, cette méthode a permis d’identifier un inconnu ou de resserrer une liste de suspects », indique M. Laurent. En 2016, le PRG a permis de résoudre l’affaire du squelette emmuré de Marseille. C’était une femme, blessée par balle à la tête, son fils a été confondu.
Alors, à quand cette technique en Belgique ? « Le ministère de la Justice est favorable à une révision complète et à une modernisation de la loi sur l’ADN, qui réponde mieux aux possibilités et besoins actuels (par exemple, portrait-robot génétique) », répond son cabinet ce lundi. « Cela peut faire partie du prochain accord gouvernemental ».
Françoise De Halleux