Des policiers au volant de bolides de criminels. Cela peut paraître étrange mais c’est la réalité et ce sera de plus en plus souvent le cas. Notre police, fédérale ou locale, a en effet la possibilité d’utiliser des véhicules ayant appartenu à de présumés criminels. À savoir, des voitures saisies dans le cadre d’enquêtes judiciaires.
Cela était possible depuis 2014, mais il a fallu améliorer une loi mal foutue pour que cela se fasse réellement. Actuellement, 14 véhicules saisis sont entre les mains de la police, dont 6 qui leur ont été attribués en janvier et février 2019. C’est dire si la formule prend (enfin) son envol.
On trouve parmi ces 14 véhicules, 12 voitures de luxe qui en ont dans le ventre (BMW, Audi…), 1 véhicule utilitaire et 1 voiture citadine. Elles ne sont pas floquées aux couleurs de la police mais sont utilisées de manière anonyme, souvent par des services judiciaires.
6 voitures en 2 mois
« On va pouvoir combattre les criminels avec leurs propres moyens », souriait le ministre de la Justice Koen Geens (CD&V) lorsque le premier bolide fut remis à la police. Ces 14 voitures sévissent dans les arrondissements de Bruxelles (4), Liège (4), Mons (3), Anvers (1) et Gand (2).
« 5 véhicules ont été saisis dans des dossiers de criminalité organisée, 5 autres dans des dossiers de trafic de stupéfiants et 3 dans des dossiers de blanchiment », détaille Jean-Michel Verelst, le nouveau directeur de l’Organe Central pour la Saisie et la Confiscation (OCSC), qui décide ces attributions. « Nous avons un point de contact à la police fédérale », explique le directeur. « Eux connaissent tous les biens saisis et voient ce qui les intéresse. La police est généralement demandeuse de voitures qui roulent vite. La seule chose que l’on ne peut pas faire, c’est attribuer une voiture à une équipe de police qui serait du même ressort judiciaire que celle qui serait intervenue dans la saisie du véhicule en question ». Afin d’éviter tout soupçon de saisies effectuées dans le but d’en disposer !
On parle bien ici de voitures saisies et non confisquées. Il se peut, en bout de course, que le véhicule soit restitué à son propriétaire… innocenté. « Dans ce cas, on vendra le véhicule et la police indemnisera la différence », répond M. Verelst.
Mais comment est-ce possible de disposer ainsi de véhicules de citoyens qui ne sont même pas encore condamnés ? « Le magistrat doit veiller à la valeur constante », explique M. Verelst. « C’est ridicule de laisser pourrir une Porsche Cayenne dans un garage et lui laisser perdre de la valeur. Le magistrat a donc trois mois pour lui réserver un sort : soit on n’y touche pas (on la garde comme pièce à conviction, etc.) ou il prend une décision d’aliénation (vente). Il peut le faire de force mais le propriétaire a un droit de recours. Si la vente est décidée, je peux, en tant que directeur de l’OCSC, décider de la mettre à la disposition de la police ».
Le même mécanisme permet à la police de disposer de 1.200 disques durs saisis dans le cadre d’un trafic de matériel informatique.
F. DE H.