C’est un combat de plus de 10 ans, mené par les conseillers moraux et aumôniers de prisons, qui se concrétise enfin. Ils seront mieux payés et bénéficieront d’un meilleur statut. L’aide qu’ils apportent aux détenus est loué par tout le monde. Deux anciens détenus témoignent.
« L’aumônier catholique qui me rendait visite à la prison de Bruges m’a sauvé la vie ! », témoigne l’ancien député liégeois Bernard Wesphael. Incarcéré en novembre 2013, il passera dix mois derrière les barreaux avant d’être libéré puis acquitté en 2016. « Je venais d’être arrêté et inculpé pour l’assassinat de mon épouse. J’étais anéanti, en-dessous de tout. L’aumônier est venu vers moi. Il m’a permis de reprendre pied et d’éviter que je ne me suicide. Au début, je le voyais tous les jours. Il m’a permis de me faire soigner et de sortir de mon désespoir. Il s’appelle Antoon Van De Putte. Non seulement on est resté amis, mais on va écrire un livre ensemble sur le manque de suivi social dans les prisons. En prison, vous pouvez avoir 1 psychiatre pour 300 détenus ! Il n’y a aucun suivi psychologique ou social pour les détenus. Ce que le gouvernement décide aujourd’hui est une bonne chose, mais ce n’est pas suffisant ».
Le Namurois Jean-Marc Mahy, qui a passé 19 ans en prison pour meurtre, doit lui aussi son salut à l’aumônier catholique qui venait le voir à Lantin en 1992. « Il s’appelle Philippe Landenne », témoigne-t-il. « Par deux fois, il m’a sauvé la vie. La première fois, il m’a sorti de la came alors que j’étais toxico depuis 7 ans. Et la deuxième fois, il a obtenu mon transfert de prison car j’étais menacé par d’autres détenus. » En revanche, ne comptez pas sur M. Mahy pour applaudir l’arrêté royal proposé par les ministres Geens (Justice), De Block (Santé) et Bacquelaine (Pension), améliorant le statut social des aumôniers. « Vous aurez remarqué que le ministre Geens prend cette mesure… 3 mois avant les élections ! Pour moi, ce ministre est un économiste, qui ne pense qu’argent. Savez-vous qu’à Lantin, il n’y a plus aucun conseiller laïc ? Et seulement 2 psychologues pour 1.000 détenus ? À Ittre, le délai d’attente pour voir un psy est de 20 mois ! Ce ministre investit dans de nouvelles prisons. Or, c’est dans l’humain qu’il faut investir. » C’est précisément ce qu’il fait aujourd’hui même si, pour certains, cela ne représente qu’une goutte d’eau dans la mer.
Actuellement, l’État belge paie le salaire de 79 équivalents temps plein, répartis comme suit : 27 conseillers musulmans, 25 aumôniers catholiques, 9,4 protestants, 9 conseillers moraux, 5 aumôniers orthodoxes, 2 israélites et 2 anglicans.
À ces conseillers et aumôniers payés par l’État, s’ajoutent des volontaires qui assistent moralement et religieusement les détenus. Ils le font à titre gratuit.
Gare au prosélytisme
Concernant ces volontaires, Bernard Wesphael met en garde, sans vouloir généraliser. « Il faudrait davantage vérifier qui sont ces personnes », dit-il. « À Bruges, deux représentants de l’église évangéliste sont venus me voir. Leur but n’était pas de m’accompagner mais de le convertir ! L’un d’eux s’est même mis à genoux devant moi pour demander la rédemption, il priait pour moi ! Ça ne va pas. Mon aumônier catholique, lui, m’a réellement écouté, sans me parler de Dieu ! »