Renseignements pris auprès du cabinet du ministre de la Justice, on peut affirmer que les femmes sont désormais majoritaires dans la magistrature.
Le franchissement de la barre des 50 % date de plusieurs mois. C’est entre 2012 et 2016 que la proportion de magistrats féminins est passée de 49 % à 54 %, celle des magistrats masculins faisant le voyage inverse.
On retrouve 59 % de magistrates au sein des tribunaux du travail, 61 % au sein des tribunaux de première instance, 54 % au sein des tribunaux de commerce et 69 % au sein des tribunaux de l’application des peines.
Les femmes sont minoritaires dans les cours d’appel et du travail. A la Cour de cassation, il y a 21 hommes et 8 femmes au siège et 12 hommes et… 1 femme au parquet.
Des propos ahurissants
On vient pourtant de très loin. Lorsque, voici quelques semaines, la faculté de droit de l’Université libre de Bruxelles a inauguré une salle de cours présentant toutes les caractéristiques d’une vraie salle d’audience, le vice-doyen de la faculté, Patrick Mandoux, nous avait expliqué qu’en donnant à la salle le nom de Marie Popelin, l’ULB avait voulu rendre hommage à la première femme diplômée en droit de Belgique. C’était en 1888.
Marie Popelin vit toutefois sa demande de prêter le serment d’avocat rejetée. Il fallut attendre une loi du 7 avril 1922 pour que les femmes soient autorisées à plaider et ce n’est qu’en 1948 qu’elles purent devenir magistrates.
Lors d’un colloque l’Université de Liège, Adeline Cornet s’était, voici quelques années, livrée à une analyse de la “féminisation” du métier de magistrat.
Elle avait rappelé que Marie Popelin n’avait pu devenir avocate pour deux raisons : son incapacité politique (les femmes n’avaient pas le droit de vote) et le fait qu’il était “naturel” qu’une femme n’accède pas à ce type de profession.
Par ailleurs, lors de l’audience solennelle de rentrée de la cour d’appel de Liège, en 1946, le procureur général Léon Delwaide avait prononcé une mercuriale tout bonnement ahurissante.
Il disait notamment ceci : “Plus faible physiquement, la femme a en plus un lourd handicap du fait des menstrues, de la grossesse et de la ménopause qui augmentent cette infériorité” .
Et de citer des psychologues affirmant que, pendant ces périodes, la femme n’est plus maîtresse d’elle-même et que ces troubles peuvent aller jusqu’à l’irresponsabilité.
Il s’inquiétait de ce qui pourrait se passer si une femme “grosse de huit mois devait présider son tribunal à l’audience avec le roulis d’une frégate désemparée”.
Il avait conclu que “la femme convient moins bien que l’homme pour les fonctions judiciaires. Psychiquement, son tempérament est subjectif, émotif et primesautier. Elle manque donc de la sérénité nécessaire. Physiquement, ses forces sont moindres et ses troubles périodiques et la ménopause, ainsi que son rôle normal de mère de famille, sont de graves empêchements dans une carrière qui nécessite des prestations régulières et absorbantes.” Inouï.
Trois et deux pour cent en 1967
Deux ans plus tard, une loi accordait aux femmes le droit d’être magistrates. Mais, relève Adeline Cornet, les débuts furent difficiles car l’hostilité du milieu fut longtemps très forte. On renâcla longtemps à leur confier de réelles responsabilités. Ainsi, la première femme magistrate nommée au siège du tribunal de première instance de Bruxelles dut attendre… 17 ans avant de pouvoir siéger dans une chambre à juge unique.
En 1967, on ne trouve toujours que 3 % de femmes magistrates au siège et 2 % au parquet. C’est dans les années 70 que la féminisation prend son envol. Elle s’accélérera à partir des années 80, surtout au siège.
Les femmes occupent désormais toutes les fonctions mais restent minoritaires dans les postes de chefs de corps et à la Cour de cassation.
L’égalité réelle n’est donc pas encore acquise.J.-C. M.
On compte 61 % de femmes au sein des tribunaux de première instance mais à la Cour de cassation, elles demeurent largement minoritaires.
J.-C. M.