Les indemnités que doivent payer les administrateurs de société lorsqu'ils sont condamnés en justice seront dorénavant plafonnées. C'est ce qu'a décidé le ministre de la Justice, Koen Geens.
Dans les grandes entreprises, les dommages-intérêts que les administrateurs doivent payer de leur poche en cas de condamnation ne pourront dorénavant pas dépasser 12 millions d'euros, selon un projet du ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V). Dans les petites entreprises, ce plafond se situe à 125.000 euros. Cela ne signifie pas que les personnes lésées se trouveront dos au mur. L'entreprise en tant que telle reste responsable des dommages causés par son administrateur à des tierces personnes ou entreprises. C'est le cas, par exemple, des délits contre l'environnement, du non-respect des règles de sécurité ou de la diffusion d'informations erronées, par exemple pour persuader les investisseurs d'acheter des actions de l'entreprise. Si le cours de l'action dégringole par la suite, réduisant à néant l'investissement des investisseurs, ces derniers pourront toujours, comme c'est le cas maintenant, se retourner contre l'entreprise. L'accord conclu entre Ageas et les investisseurs lésés de Fortis s'inscrit dans ce cadre.
Pourquoi, dès lors, vouloir instaurer des plafonds? "Nous voulons nous assurer que les administrateurs puissent encore s'assurer", dit Hans De Wulf, un expert en droit des entreprises de l'université de Gand, qui a collaboré au projet. "De nos jours, les assureurs refusent parfois de couvrir des risques dont ils ne peuvent pas évaluer l'ampleur. Si les administrateurs peuvent s'assurer, les victimes sont sûres aussi de se voir rembourser."
La responsabilité ne sera pas plafonnée dans le cas où les administrateurs agissent avec une intention fallacieuse, par exemple lorsqu'un administrateur soutire de l'argent à sa société pour s'enrichir personnellement. En outre, l'administrateur reste responsable, avec tout ce qu'il possède, du paiement des arriérés de taxes et de lois sociales, dans le cas d'une faillite dont la faute lui serait imputée. Sa responsabilité se voit néanmoins limitée dans le cas où une grossière erreur de sa part mène à la faillite. Ainsi, un administrateur ne devra plus jamais débourser plus de 12 millions d'euros s'il poursuit les activités de l'entreprise alors qu'il sait qu'elle est en totale perdition. Le plafond vaut également dans le cas où l'administrateur ne tire pas, ou pas à temps, le signal d'alarme, et omet donc de réunir l'assemblée générale tandis que l'entreprise subit de lourdes pertes. L'un et l'autre cas font l'objet de sérieuses réserves de la part du Conseil d'Etat, qui estime inconcevable que les plafonds puissent dépendre du chiffre d'affaires et du bilan total d'une entreprise, sans plus aucun lien avec les dommages que les administrateurs peuvent causer. Le Conseil d'Etat souligne également que le chiffre d'affaires d'une entreprise peut aussi chuter, précisément suite à une faute émanant des administrateurs.
Malgré ces objections, le cabinet du ministre Geens semble pencher pour une approche pragmatique en préférant la sécurité aux risques non assurés. "La taille de l'entreprise est le meilleur des thermomètres en ce qui concerne les risques qu'elle et ses administrateurs peuvent générer", estime Hans De Wulf.