Toespraak "De advocatuur van morgen"

op 16 juni 2017 18:34 Toespraken

Que la profession d’avocat est une belle profession ne nécessite pas de grande démonstration. En tant que personne de confiance du justiciable, l’avocat fait, au sein de la société, ce pour quoi il a été formé. Il assiste son client en paroles et en actes. Celui-ci peut compter sur le fait qu’il dispose d’un avocat bien formé à ses côtés qui lui indique le chemin dans l’enchevêtrement juridique.

Cependant, le monde juridique évolue à un rythme rapide. A cet égard, je ne fais pas uniquement allusion à la législation qui s’adapte au 21 siècle. Je suis fort bien conscient que les cinq lois Pot-pourri ont probablement provoqué des maux de têtes à nombre d’entre vous – du travail d’étude est nécessaire – mais ces lois sont indispensables pour accroître l’efficience dans la pratique juridique. Ces cinq lois visent à permettre à tous les intervenants professionnels du monde judiciaire d’exercer le droit avec efficience et, si possible, en faisant réaliser des économies sur les frais.

Maintenant que les étapes plutôt techniques ont été accomplies pour moderniser les procédures et les adapter aux besoins contemporains et futurs, il est grand temps de réfléchir à la manière dont les professions juridiques peuvent s’organiser efficacement afin de pouvoir fonctionner en tant que groupes professionnels performants, aptes à relever les défis que le futur proche comporte.

Comme les orateurs précédents l’on dit, nous vivons de profonds changements dans notre société. La mondialisation, les glissements de puissance économique dans le monde, le changement climatique, un autre monde médiatique, la révolution numérique, …

La dernière évolution, la révolution numérique, se produit en trois temps. C’est pour cela que le Barreau 3.0 est une belle image. Elle évoque également les 3 vagues. Et je suis d’accord de dire que la première est derrière nous. La deuxième – le passage du papier au numérique – est en fait déjà une réalité, bien que le monde juridique, surtout, ait du retard à rattraper. La troisième sera la plus profonde parce qu’elle ira bien plus loin que la seule numérisation.

Je vais m’attarder encore un peu à la deuxième vague, notre mouvement conjoint de rattrapage. Par conjoint, je veux dire celui du barreau et du monde judiciaire. Je pense que ce fut une bonne chose qu’en juin 2016, cela fait maintenant environ un an, nous ayons conclu un accord de coopération entre le SPF Justice, ma cellule stratégique et les 3 professions juridiques. Nous sommes condamnés à coopérer et c’est pour cette raison que la coopération donne de meilleurs résultats que si chacun suit son propre chemin. Pas mal de résultats concrets ont déjà été enregistrés : la boîte à lettres électronique, le dépôt électronique des conclusions, la rédaction et l’envoi de jugements électroniques, la signification électronique, les dossiers numériques des curateurs, l’envoi électronique de demandes de publications au Moniteur belge, etc. Aujourd’hui, ce sont des réalités à la fois juridiques et techniques. Les requêtes électroniques, la consultation électronique des dossiers répressifs, les dossiers et procédures totalement numériques, les plaidoiries par vidéoconférence, un état civil numérique, etc. : toutes ces choses deviendront réalité durant la présente législature encore.

La deuxième vague nous enseigne que cela sera encore davantage le cas durant la troisième vague : les outils numériques au profit des tribunaux, des avocats et des autres acteurs juridiques, et ainsi au profit des citoyens et des entreprises, verront le jour. L’utilisation de ces instruments va entraîner d’importants gains d’efficience pour l’Ordre judiciaire et les acteurs juridiques, qui s’accompagneront d’économies de ressources et aussi de temps. Elle nous permettra de résorber le retard et de mettre fin à la lenteur de la justice. C’est important pour nos citoyens et nos entreprises. Mais soyons honnêtes : cette évolution inévitable connaîtra également, comme toutes les évolutions, des gagnants et des perdants. Les gagnants sont ceux qui adoptent ces instruments et les utilisent à leur avantage. Les perdants sont ceux qui ne suivent pas le mouvement ou pensent pouvoir continuer à vivre de l’inefficience et de la lenteur de la justice. Il n’est pas trop tard mais il est minuit moins cinq pour rejoindre cette deuxième vague de la révolution numérique.

Cette deuxième vague montre en outre clairement quel sera l’effet de la troisième, votre barreau 3.0. Non seulement une conversion du papier au numérique, mais aussi un environnement totalement différent. Parfois avec d’autres intervenants et acteurs, et en l’occurrence même un acteur non humain : l’ordinateur/le robot. Et ici aussi la règle sera que celui qui agit, sans avoir réfléchi, analysé et conçu des solutions, ne fera pas partie des vainqueurs. Et ce qui était déjà le cas durant la deuxième vague, le sera encore davantage durant la troisième. Les personnes qui partagent le même sort, les partenaires, voire des concurrents, doivent coopérer afin de découvrir ce que sera le nouvel avenir, car il s’agira d’un avenir commun ou il n’y en aura pas.

C’est pourquoi :

Après l’élaboration d’un plan de politique qui précisera les lignes directrices d’une « court of the future », j’ai l’intention de vous présenter l’an prochain une vision d’avenir pour les professions juridiques. Mon ambition reste élevée. Le plan, qui passera les professions juridiques à la loupe, sera notamment axé sur le barreau.

Il constituera une réflexion sur l’aspect que pourra revêtir le barreau du 21 siècle. Il s’arrêtera sur différents côtés de la profession. L’organisation et l’accès à la profession seront des points d’attention. Une organisation efficace du groupe professionnel est indispensable si on veut garantir une prestation de services de qualité. La qualité prospère le mieux dans un cadre organisationnel qui est garant de l’efficience et de la fiabilité technique. Cependant, il faut bien plus qu’une organisation bien définie.

La belle profession d’avocat conservera sa beauté si ses membres sont bien formés et bien motivés. La législation évolue ; notre société doit faire constamment face à de nouveaux défis. L’évolution juridique et les besoins de la société doivent être en symbiose. Les grands thèmes de société, comme le terrorisme, les réfugiés et le droit sur les étrangers en général, les nouvelles formes de cohabitation, le commerce international et électronique sur le web, invitent les professions juridiques à réfléchir à la manière dont elles peuvent continuer à offrir des services de qualité. Et je vise en premier lieu la formation professionnelle de l’avocat.

Nos futurs avocats bénéficient d’une formation de base à un niveau académique élevé. Nos universités sont elles aussi contraintes d’adapter leur offre en fonction des besoins de demain et d’offrir la meilleure formation en droit à la génération d’étudiants suivante. De nos jours, on constate toutefois un écart entre la formation de base à l’université et les exigences que pose la pratique.

Par ailleurs, la réalité montre que la profession d’avocat ne se limite plus à l’assistance au client dans des conflits juridiques présentant des contours stricts. L’avocat évolue de plus en plus sur des terrains qui se développent hors du tribunal. Songeons par exemple à la médiation dans un nombre croissant d’affaires ou au nombre en augmentation des formes spécifiques de décisions prises par des autorités administratives. Ces nouvelles pistes, qui sortent de la piste judiciaire classique, nécessitent de disposer d’aptitudes particulières. Le groupe professionnel a également une responsabilité cruciale à assumer dans l’accompagnement de l’avocat dans ces aptitudes.

Afin d’élaborer la vision d’avenir du et pour le barreau, j’ai désigné deux confrères pour m’assister dans cette tâche. J’ai demandé à M. Patrick Hofströssler et M. Patrick Henry de me présenter un plan comportant des idées sur les thèmes suivants : l’accès à la profession, un droit disciplinaire et un organisation de la profession qui soient contemporains, la collaboration entre les avocats et les autres professions juridiques et des initiatives destinées à moderniser l’offre de services et à améliorer la prestation de services. Ces deux avocats de renom ont reçu de ma part la mission de soumettre leurs premières idées non seulement aux organisations professionnelles – l’OVB et Avocats.be – mais également à tous les avocats intéressés, qu’ils soient stagiaires ou bâtonniers, et aux acteurs de la justice.

Je vous invite dès lors à leur transmettre vos idées, réflexions, voire propositions concrètes de manière à ce que nous puissions engager le dialogue avec le plan en main.

Je souhaite conclure en félicitant les initiateurs des projets qui sont présentés aujourd’hui. Ce sont des exemples de ce que je pense être nécessaire. Je partage l’analyse d’une révolution en trois vagues et donc du Barreau 3.0. Je constate que le barreau s’est totalement investi, peut-être tard mais encore juste à temps, à tirer avantage de la deuxième vague, les outils numériques qui contribuent à donner bien plus d’efficience au fonctionnement. Le véritable démarrage de la nouvelle plateforme numérique par les deux associations nationales des barreaux il y a quinze jours,et non uniquement l’annonce d’un plan, en est la meilleure preuve. Une coopération constructive est la bonne méthode. L’accord de coopération aussi. Le démarrage du dossier numérique des curateurs le 1 avril dernier est un autre exemple. Je félicite encore une fois tous ceux qui ont épaulé ces projets.

Mais, aujourd’hui, mes félicitations les plus fortes vont aux initiateurs des projets présentés. Ce sont des projets qui répondent aux défis de la troisième vague de la révolution digitale, l’intelligence artificielle, le big data, mais également l’accessibilité de la justice, que j’appelle « la nouvelle proximité ». Ensemble nous devrons apprendre si ces projets rencontrent nos attentes, c’est-à-dire créer un nouveau cadre pour l’avenir au sein duquel l’avocat du futur sera en mesure de prouver sa plus-value sociale de la meilleure manière. Si le monde juridique a quelque chose à rattraper au cours de la deuxième vague, ces projets prouvent qu’avec ces projets ambitieux, le barreau fait partie des précurseurs en ce qui concerne la troisième vague. Cela me remplit d’espoir. Avec mon document de vision « Court of the Future » et mon initiative pour la modernisation des professions juridiques, j’espère pouvoir contribuer à la création d’unbel avenir pour une belle profession, hier, aujourd’hui et demain.

Je vous remercie.