Le ministre de la Justice, Koen Geens, attribue à un certain conservatisme les réticences des milieux judiciaires face à ses réformes.
"Tout le monde peut savoir combien je gagne. Tout comme chacun doit pouvoir savoir ce que gagnent les responsables politiques. Plus de transparence et plus de déontologie sont la solution au problème." C'est ce que déclare le ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V), dans un entretien accordé à nos confrères du Tijd, où il revient sur les scandales de cumuls de mandats et de rémunérations abusives.
Il se dit surpris du contenu de ces révélations. "J'ai été très étonné d'apprendre que des politiciens pouvaient gagner autant dans certaines intercommunales." Et il admet que ces politiciens indélicats font le lit du populisme. "Je déteste les populistes. Je les ai même en horreur, mais je ne pense pas qu'il soit nécessaire de mettre la faute auprès des médias ou de qui que ce soit pour expliquer leur succès. Les politiciens doivent oser faire leur mea culpa. Si les populistes sont si forts, c'est à cause des carences de l'establishment." Il n'appelle pas à une nouvelle culture politique, mais simplement à "faire preuve de sérieux et de professionnalisme".
Juges et managers
À ce sujet, il estime que la réforme de la Justice qu'il avait lancée en 2015 est aujourd'hui à 90% sur les rails. Et ce, malgré les réticences manifestées par les acteurs du terrain. "Plus le temps passe en tant que ministre de la Justice, mieux je comprends pourquoi la modernisation a pris tant de temps. Les juristes ne sont pas des managers, ce qui fait que la culture managériale n'est entrée que très tardivement au sein de la Justice. Pour qu'un véritable changement puisse avoir lieu, nous voulons que chaque grand département de la Justice soit dirigé par un magistrat et par un manager. Cela ne peut se faire en deux coups de cuillère à pot, car l'idée doit mûrir chez les magistrats."
Il pointe aussi des réticences d'une autre nature. "Pendant des années, chaque service avait sa propre banque de données, pour des raisons techniques mais aussi parce que peu de gens étaient enthousiastes à l'idée de relier entre elles ces banques de données. Cela pousse en effet à la responsabilisation."
Geens réfute au passage l'idée d'une Justice volontairement sous-financée par le politique. "Beaucoup d'argent va dans le fédéralisme et la sécurité sociale. Ce qui est une bonne chose en soi, mais du coup il reste moins d'argent pour la Justice par exemple. Nous avons un budget de 1,85 milliard cette année. C'est le montant le plus important jamais budgété, mais c'est pro portionnellement moins que dans les pays voisins. Comparé aux Pays-Bas et à l'Allemagne, on dépense la même chose pour les tribunaux, mais beaucoup moins pour les prisons et l'infrastructure en général."
Geens plaide pour un système "plus efficace, avec moins de possibilités de tirer sur les procédures, mais sans nuire au principe d'une Justice équitable". Il promet pour la fin de l'année "une banque de données digitale qui permettra aux avocats de transmettre leurs conclusions par voie électronique aux parties". "Les jugements, les déclarations de faillite et les créances seront également transmis via une application électronique et les entreprises pourront mandater un huissier par la voie digitale."
JEAN-PAUL BOMBAERTS