Réécrire de vieux Codes pour moderniser la Justice

op 07 december 2016 10:33 Le Soir

Le ministre de la Justice Koen Geens entend simplifier des codes vieillots. Pour rendre les règles plus compréhensibles. Et assurer l’efficience de la Justice.

Le ministre de la Justice Koen Geens (CD&V) poursuit, comme un marathonien, sa réforme de la Justice entreprise dès son entrée en fonction en octobre 2014. A ses réformes baptisées « Pot-Pourri » (de I à 5), il a ajouté hier la présentation d’une pierre d’angle de la modernisation de Thémis, une « recodification » qui intéresse le contenu des Codes existants, en crée un nouveau (le pénitentiaire), instille de la modernité dans des textes éculés. Cette réforme nourrit la double ambition de rendre plus efficiente l’application du droit (et donc de le rendre plus compréhensible sans basculer dans les simplismes) et d’accélérer (en réduisant leur coût) des procédures souvent engoncées dans des archaïsmes.

Un saut vital vers la modernité ? Pour Koen Geens, « le citoyen a droit à des Codes clairs : cela concourt à la prévisibilité et à la connaissance du droit. Une plus grande prévisibilité des conflits juridiques permettra d’éviter des procès inutiles et de réaliser des gains de temps et des économies de coûts. » Son projet est soutenu par des réflexions qui dépassent l’enjeu de la tenue d’un procès, tant des lois lisibles, compréhensibles et acceptées concourent à la vie en société : « Comment le droit pénal peut-il orienter les comportements si les citoyens et les entreprises ne connaissent pas les interdictions qu’ils sont tenus de respecter ? Comment le droit civil peut-il réellement régir les relations entre particuliers si ceux-ci ne peuvent trouver par eux-mêmes leurs droits et obligations mutuels ? Et comment les entreprises peuvent-elles travailler en toute sécurité si elles n’ont pas conscience des règles applicables à leurs activités ? », s’interroge Koen Geens. Il constate que 54 % des dispositions du Code civil (Napoléon) sont toujours d’application en Belgique ; que le Code pénal n’a connu sa seule révision majeure qu’en 1867.

La « recodification » portée par le ministre de la Justice embrasse, outre ces deux piliers, le droit des obligations, le droit des biens, celui de la responsabilité, celui des entreprises. En vrac : quatre formes de sociétés devraient être maintenues, les ASBL pourront être mises en faillite, les personnes morales pourront être soumises aux travaux d’intérêt général, la signature électronique deviendra preuve, l’état civil sera numérisé, etc.

Ce projet de « recodification » résulte du travail d’experts, de réflexion au sein du département Justice. Ses différents registres en sont à des stades différents de finalisation. Il en est des sensibles. Comme le droit successoral ou patrimonial des couples, qui devrait modifier la perception traditionnelle de la famille et permettre des accommodements à la règle absolue des parts réservataires dévolues aux héritiers du défunt (lire ci-dessous). Cette question sensible n’a pas encore débouché sur la table du gouvernement avant de se transformer en avant-projet de loi.

Koen Geens l’affirme : les réformes procèdent et procéderont encore de consultations avec les acteurs de la Justice, seront portées au Parlement. Tous ne l’ont pas été : les juges d’instruction, voués à devenir des « juges de l’instruction » (lire par ailleurs), regrettent de ne pas avoir été consultés. La réforme de l’exécution des peines, admet Koen Geens, intéresse aussi, dans son objectif de resocialisation des condamnés, les Communautés avec lesquelles des négociations, essentiellement budgétaires, sont en cours. Mais elle a aussi des implications sur la surpopulation carcérale dès lors que l’intention du ministre est d’aboutir à une exécution effective d’une partie des petites peines prononcées. Si les contraventions disparaissent et sont reléguées au rang d’amendes administratives, leur prise en charge par les communes ou les Régions les expose aussi à de nouvelles responsabilités.

Koen Geens entend poursuivre son « avancée à grands pas » dans sa réforme de la Justice. « Je dis ce que je fais et je fais ce que je dis » , a-t-il promis.

MARC METDEPENNINGEN