Mesdames, Messieurs,
Cela fait maintenant près d'un an qu'a été lancée la réforme du paysage judiciaire. Elle a entraîné beaucoup de changements, et de nombreux projets qui doivent moderniser la justice et l'adapter aux besoins actuels sont toujours en gestation.
L'autonomie de gestion est indubitablement l'un des plus grands changements que la Justice ait connus jusqu'à présent. La finalité de cette réforme est de parvenir à une justice de meilleure qualité, en responsabilisant les collèges du Ministère public et des Cours et tribunaux, au moyen d'ingénieux contrats de gestion, qu'ils concluront avec le ministre de la Justice, pour la gestion d'une grande partie de leur propre budget de personnel, de frais et d'investissement. Mais il y a encore beaucoup d'espace pour l'ajustement: la concertation n'en est encore qu'à ses débuts; il reste donc du temps pour peaufiner la préparation, la concertation et la finalisation.
Un équilibre doit être trouvé entre l'indépendance du Pouvoir judiciaire et sa responsabilité pour l'autonomie de gestion qui lui est attribuée. L'indépendance du Pouvoir judiciaire ne signifie pas que les comités de direction n'ont pas de comptes à rendre sur l'affectation de leurs ressources. L'autonomie demande en effet toujours un contrôle ciblé, qui peut même n'être qu'un contrôle marginal en cas d'utilisation correcte de l'autonomie. Dans la mise en œuvre concrète de l'autonomie de gestion, le management et l'expertise professionnelle doivent collaborer. Chaque groupement professionnel éprouve des difficultés à être «géré» par des gens qui ne se connaissent pas la profession de l'intérieur: cela vaut aussi bien pour les médecins, que pour les avocats et, sans doute aussi, pour les magistrats. S'autogérer implique d'abandonner une parcelle de son travail, ce qui n'est pas vraiment du goût de la plupart des professionnels. Il est donc de la plus grande importance pour la magistrature de trouver la bonne culture.
Il faut également penser à une nouvelle législation, souvent en prise sur les besoins urgents du moment. Il ne faut cependant pas perdre de vue la législation de base. Tant le Code pénal que le Code de procédure pénale, le Code judiciaire, et de nombreuses autres législations fondamentales, sont à bien des égards désespérément obsolètes, ce qui fait que de nombreuses modifications s'imposent d'urgence pour mettre ces textes à jour, et les adapter à la société moderne.
En tant que ministre de la Justice, je suis aussi confronté au défi de faire de la justice qualitative que nous devons assurer, également une justice qui ait un coût abordable. Nous ne devons pas nous concentrer uniquement sur l'abattage du plus grand nombre de jugements possible, l'hébergement du plus grand nombre de prisonniers ... des mesures simples, mais non moins drastiques pour autant, seront nécessaires pour faire baisser de manière significative la charge de travail à la fois de l'ordre judiciaire et du système pénitentiaire.
Toute une série de propositions sont sur la table pour réduire sensiblement la charge de travail à la fois pour les magistrats et le personnel judiciaire. Les procédures, elles aussi, demandent à être adaptées aux besoins modernes. Maintenant que l'informatisation règne en maître, les méthodes de travail surannées peuvent sérieusement entraver la circulation de l'information. La communication par e-mail plutôt que par courrier recommandé est une des propositions dans ce domaine.
J'ai reçu de nombreuses propositions de simplification et d'amélioration des acteurs de terrain eux-mêmes, et je suis heureux de cette manière de travailler ensemble. Vous avez la meilleure vision de ce qui peut être fait mieux ou différemment, vous savez où un avantage peut être retiré et où du temps peut être gagné. Ce sont en outre des propositions qui bénéficient du soutien de la magistrature et du personnel judiciaire, et qui seront le plus souvent plus faciles à mettre en œuvre ultérieurement.
La réforme de l'État a rendu les communautés compétentes pour les maisons de justice et certains nouveaux aspects du droit sur la protection de la jeunesse. Elles ont reçu aussi le droit d'injonction positive pour leurs propres compétences, ce qui leur permet de requérir le parquet pour mener des enquêtes ou des poursuites dans une affaire bien déterminée. En outre, les entités fédérées sont également associées plus étroitement à la politique de la justice. Lorsqu'il est question de leurs compétences, elles peuvent participer à la rédaction des directives en matière de politique pénale, en ce compris la politique en matière d'enquête et de de poursuites. Cela signifie que la participation des entités fédérées est rendue très tangible « pour la première fois dans l'histoire de la Belgique ». Les entités fédérées pourront participer aux discussions quand il sera question des priorités de la politique pénale, ce qui permettra que l'approche judiciaire corresponde « encore mieux » à leurs priorités. Les Ministres-présidents de la Flandre, de la Région de Bruxelles-Capitale, de la Région wallonne, de la Communauté française et de la Communauté germanophone participeront à ces réunions.
Il est donc bien question du printemps de la Justice. Beaucoup d'idées étaient déjà vivantes, d'autres, des idées nouvelles et fraîches, prennent progressivement forme. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu'elles soient mises en œuvre toutes en même temps. C'est pourquoi le printemps dure plusieurs mois. Les idées ont besoin de temps pour mûrir, pour être discutées et adaptées pour arriver au meilleur résultat possible. Je vais, avec votre soutien, faire tout le nécessaire pour y parvenir.
Je vous remercie.