Koen Geens, ancien avocat, veut "trouver le juste milieu pour tous les habitants de ce pays.
Des prisons "plus humaines"
"Des établissements ont été construits à Beveren, Leuze-en-Hainaut et Gand. Dans ces endroits, l'humanisation des prisonniers est centrale. Pour l'avenir, les priorités sont en Flandre et en Wallonie. Verviers et Bourg-Léopold vont être construits. Il y aura un nouveau bâtiment de justice à Tournai, sur un terrain de la Défense. Le chantier le plus concret est à Haren. Il va remplacer les prisons de Saint-Gilles, Forest et Berkendael. La construction sera terminée avant la fin de la législature."
Arriérés : "Connaître les montants"
"Les frais de justice (interprètes, experts), les frais informatiques et de comptabilité sont assez confus. J'ai reçu des représentants des interprètes judiciaires. Ils sont très nécessaires à la justice, je leur veux du bien, tout comme aux experts. Le ministre doit être responsable mais j'aimerais connaître les paramètres et les montants des factures."
Les juges face à leurs responsabilités
"En 2017, j'espère décentraliser et rendre les ressorts responsables de leurs dépenses de justice. Je veux leur donner un budget de sorte qu'ils sachent le dépenser de la meilleure façon. Un document judiciaire n'est pas un bon de commande. Pourtant c'est moi qui reçois la facture ! À court terme, j'espère apurer la moitié des frais de l'année par des crédits normaux et des crédits supplémentaires que je demanderai au ministre du Budget."
Grands procès : "l'exemple Breivik"
"Quand on voit dans quel bref délai les Pays-Bas ont su juger les meurtres de Pim Fortuyn et Théo Van Gogh, ou comment la Norvège a rendu justice dans l'affaire Breivik, on peut se poser la question de la rapidité de notre justice. Sur ces grands crimes qui perturbent tout un pays, voire le monde entier, il y a là des exemples dont on peut s'inspirer. Il est vrai que, dans ces cas, les auteurs présumés ont été pris en flagrant délit."
Nomination des magistrats : "pas d'influence"
"Au Conseil supérieur de la justice, qui nomme les magistrats, l'influence politique n'est pas à 100 % absente. Mais moi, en tout cas, je n'y ai pas d'influence et ça fonctionne très bien comme ça. Je ne vois pas de raison de les contrôler davantage : je suis ministre de la Justice, pas patron de parti politique."
Son image : "celui qui a assaini le budget"
"J'aimerais qu'on dise que je suis celui qui a assaini la situation au niveau budgétaire et celui qui a rendu possible une justice de qualité mais plus efficace. J'aimerais aussi être remémoré comme celui qui a fait de grandes réformes utiles. Ce serait bien, mais pour cela il faut un peu de chance. Et j'aurai besoin de quatre ans et demi pour les mener à bien."
LuxLeaks : "Pas de trémolos"
"Aussi longtemps que l'on n'aura pas un marché fiscal intégré au sein de l'Europe, il y aura concurrence fiscale entre les États membres. Vous n'entendrez donc pas de trémolos de ma part sur l'affaire LuxLeaks. La compétition entre les législations est de ce monde."
Vers un accord avec Belgacom
"On est en train de régler le problème des frais de téléphonie avec les grands fournisseurs comme Belgacom. J'espère des économies sensibles pour les procédures d'écoutes téléphoniques dans les dossiers judiciaires, à hauteur de sept millions d'euros."
La prison, "remède ultime"
"Je suis un homme simple, quoi qu'on en dise. Quand on prononce une sanction, il faut l'exécuter. Une circulaire conseillait de ne pas exécuter les peines de prison inférieures à trois ans. À quoi bon les infliger, alors ? Aujourd'hui, le gouvernement dit "on exécute les peines à partir de quatre mois" . Je ne suis pas convaincu non plus. Je suis partisan d'imposer des sanctions autonomes (surveillance électronique, confiscation, travail, etc.) puis des peines de prison à partir d'un an, et là, les exécuter."
Assises : "Une tradition qui provoque la lenteur"
"Dans le cas des affaires pénales, notre but est un espace d'un an entre l'assignation et le jugement. C'est ambitieux. Nous avons en Belgique une tradition qui provoque la lenteur. Mais il ne faut pas oublier que la finalité d'un procès est de permettre aux personnes impliquées de recommencer leur vie, ainsi que de retrouver la paix sociale."
Transaction pénale : la solution ?
"La transaction pénale (NdlR : accepter de payer une somme d'argent à l'État pour clore l'enquête judiciaire en cas de fraude) est un privilège du parquet. Je n'y participe pas. À titre personnel, je vois trois points. Le premier : les preuves sont compliquées à obtenir en affaires financières. Le second : ces affaires durent parfois bien trop longtemps, ce qui est préjudiciable si l'inculpé est au final déclaré innocent. Enfin, l'intérêt général. L'an passé, 58 M€ ont été récupérés par l'État par la transaction pénale. Pour l'État, c'est une bonne chose car le montant des transactions est supérieur aux peines d'amende infligées. Le problème se pose s'il y a récidive…"
La place du CD&V
"Par idéologie, le CD&V est heureux de travailler et faire du bien aux habitants. Nous ne sommes pas luthiers mais avons largement contribué à la composition. La polarisation du pays existait sous le gouvernement Di Rupo et a été aggravée par les élections, ce que je regrette énormément. C'est une faute de notre démocratie qui se joue entre deux partis qui n'ont pas le même électorat. Cela rend difficile la tâche de ceux qui, comme le CD&V, essayent de trouver le juste milieu pour tous les habitants du pays."