Eclairage Christian Laporte
La concertation entre les autorités fédérales – en particulier le ministre de la Justice qui a la tutelle des cultes mais aussi le Premier ministre – et les différents cultes et morales philosophiques non confessionnelles reconnus en Belgique est passée mercredi de la réflexion à l’action. Dès les premières vagues d’attentats en France, Charles Michel et Koen Geens avaient pris l’habitude de rassembler autour d’eux les responsables des six cultes reconnus et de la laïcité organisée afin qu’ils puissent manifester une certaine unité convictionnelle. Celle-ci avait encore été renforcée après les attentats de Zaventem et de Maelbeek. Il avait alors été décidé que les uns et les autres se retrouvent au moins deux fois par an mais on en était surtout resté à l’expression de belles solidarités et ça manquait singulièrement d’actes concrets.
Grande Mosquée et influences étatiques
On y est enfin… et c’est sans nul doute sous la pression des événements. Au cours de ces derniers mois, il y a eu de très nombreuses interrogations autour du financement de la Mosquée du Cinquantenaire ou encore sur l’influence de certains pays à forte présence musulmane dans l’organisation de l’islam belge.
Réunis au Lambermont, autour des ministres précités, les représentants des cultes et de la laïcité ont d’abord, selon un rituel bien huilé mais nécessaire, reconfirmé les grands principes qui ont fait la Belgique interconvictionnelle depuis 1830. Et qui en ont fait un modèle de coexistence philosophico-religieuse.
La loi des hommes prime sur toute autre
Même si on y a connu des guerres scolaires, celles-ci n’ont cependant pas fait de victimes. Au contraire, elles se sont terminées par des pactes qui résistent au temps. Les chefs de culte catholique, protestant, orthodoxe, anglican, juif et musulman ainsi que la laïcité ont rappelé l’importance de la liberté d’expression, celle de croire ou de ne pas croire, la liberté de conscience et bien entendu la séparation des Eglises ainsi que la primauté de l’Etat de droit sur toute religion ou morale non confessionnelle.
Avec en toile de fond, une série de valeurs inaltérables sur lesquelles ni les autorités de l’Etat ni celles des cultes et des morales ne peuvent transiger.
A l’intention de ceux qui dans certains cultes entendraient remettre en question ces principes, l’ensemble des chefs de culte et les deux ministres ont aussi rappelé que conformément à l’article 21, alinéa 1er de la Constitution portant le principe de l’indépendance des cultes et des organisations philosophiques non confessionnelles vis-à-vis de l’Etat, il existe une autonomie réciproque.
Un plan en six points concrets
Entendez que chacun des cultes reconnus et le Conseil central laïque édictent en toute autonomie leurs propres règles de fonctionnement.
Comme dit ci-avant, le moment était venu de le rappeler aussi au monde extérieur. Sans tourner autour du pot, les organes représentatifs des cultes reconnus et de la laïcité organisée se sont engagés à “éviter les financements venant de l’étranger qui seraient de nature à nuire à leur indépendance” et “à tout mettre en œuvre, en vue de garantir la transparence et l’intégrité des flux financiers au sein des entités qui les composent” . Mieux encore, ils ont adopté un plan d’action en six points avec l’aval du ministre Geens. Concrètement, ils s’engagent “à travailler de concert à faire converger leurs règles internes de gestion des flux financiers venant directement et indirectement de l’étranger en conformité avec la législation belge, par l’établissement d’une charte de bonne gestion” .
Leurs entités locales et régionales devront se constituer en personne morale – ASBL, fondation privée ou d’utilité publique… – et organiser la formation comptable de leurs gestionnaires. Cela facilitera aussi la reconnaissance des communautés locales par les autorités civiles compétentes qui pourront les accompagner sur le plan administratif et comptable dans le cadre de la gestion des établissements publics s’y rapportant.
La transparence doit aussi reposer sur une formation adaptée des ministres des cultes et des délégués laïques aux règles comptables et aux pratiques de bonne gestion comptable. En même temps, les uns et les autres sont priés plus que jamais de se concerter avec toutes les autorités civiles concernées.
Un joli catalogue d’intentions ? Pour éviter qu’on en reste là, un groupe de pilotage sera mandaté pour mettre en œuvre la déclaration ainsi qu’à faire rapport chaque année à la concertation.
Réunis au Lambermont autour de Charles Michel et Koen Geens, les responsables des cultes reconnus en Belgique et de la laïcité ont adopté un plan d’action commun.