Monsieur le Président du Conseil Francophone,
Mesdames, Messieurs,
A environ mi-chemin de la législature, je reçois de plus en plus de demandes de changement. D’autre part, on m’adresse parfois la critique que les choses changent beaucoup trop vite. Ce sont deux indications que la Justice est en pleine évolution. Chez les premiers s’accroît la foi que le changement peut réussir. Ça les motive et les rend même impatients. Les autres découvrent le changement après un arrêt trop prolongé et doivent encore s’adapter. Les gagnants du futur seront ceux qui sont capables d’utiliser le changement à leur avantage.
Dans l’univers de la Justice, le changement a démarré trop tard et trop lentement. Nous avons bien des choses à rattraper. Le proverbe « Qui n’avance pas, recule ». De nos jours, « Qui progresse trop lentement, recule » est la réalité.
Le notariat est l’un des milieux dans lesquels la Justice n’a pas raté le train du changement. Vous avez pris au sérieux la critique d’être une institution vétuste et obsolète et vous vous êtes mis au travail. C’est pourquoi vous faites partie des gagnants du changement. Et vous avez également compris la leçon suivante : le changement ne s’arrête pas. Il n’est pas l’exception mais est devenu la règle. Continuer à évoluer, tel est donc le message.
Ceci vous réunit (et vous et moi) aujourd’hui. La précédente modification de la Loi de Ventôse avait été regardée avec soupçon par les observateurs externes. Aujourd’hui, amis et ennemis reconnaissent que le notariat a fait un grand bond en avant. La reconfiguration du paysage, les nouvelles compagnies, sont devenues un succès. L’instauration du candidat-notaire et du notaire associé, des associations, a enrichi le notariat de beaucoup de talent. Les magistrats me disent que la qualité du notariat s’est accrue à vue d’œil. Vous bénéficiez de la confiance des citoyens : un grand atout dont beaucoup de secteurs de la société doivent se passer. La révolution numérique : la Notariat belge est un exemple en Europe et en Belgique. Je pourrais poursuivre encore un petit temps, mais je me sens alors un populiste et je ne me sentirais pas bien dans ma peau.
Votre journée d’étude traite aujourd’hui d’une modernisation suivante de votre loi organique. Je vous prie de m’excuser qu’aujourd’hui, pour votre journée d’étude, elle n’ait pas encore été approuvée. Elle le sera dans quelques semaines. Je ne me fais pas de souci. Le Gouvernement et la majorité parlementaire soutiennent cette loi à 100 %. Le Conseil d’Etat et la Commission de la protection de la vie privée ont communiqué leurs observations et celles-ci ont été traitées. Les auditions, lors desquelles le notariat a également donné son opinion, furent globalement constructives. Le retard de quelques semaines est dû à la demande de l’opposition – et c’est son droit parlementaire – de soumettre à l’avis du Conseil d’Etat les amendements que la majorité souhaite encore introduire. Parmi ceux-ci figure celui qui introduit l’Etude à Résidences Multiples. Ceci explique pourquoi le chapitre sur la Loi de Ventôse dans le PP IV n’a pas encore été examiné article par article. En revanche, c’est le cas du chapitre qui traite du nouveau registre successoral, attribué à la Fédération Royale du Notariat Belge, et des changements dans la renonciation et l’acceptation des successions sous réserve d’inventaire.
Les orateurs de cette journée vous (ont exposé ou exposeront) ces textes en détail. Certaines modifications sont des améliorations d’ordre technique. D’autres sont des modernisations importantes.
Le notaire se voit attribuer un rôle encore plus important dans le traitement des successions. Sa connaissance juridique et sociologique de la famille, la confiance dont il bénéficie, sa proximité, font de lui un acteur approprié pour trouver, dans une mesure maximale, des solutions sur un mode amiable et accompagner les personnes dans des dossiers successoraux. Il est le juge de la jurisprudence amiable. La nouvelle mission dans le cadre des renonciations, le registre successoral et les nouvelles missions qui, dans le projet de nouveau droit successoral, se rapportent aux conventions relatives aux successions non ouvertes, témoignent de la confiance que le Gouvernement et le Parlement mettent dans le notariat. Cela signifie également un soulagement de nos tribunaux et greffes surchargés. En outre, la création du registre successoral est une mise en œuvre du protocole de coopération en matière de technologies de l’information et de la communication que j’ai conclu l’an dernier avec les professions juridiques et qui donne de plus en plus de résultats concrets.
De la modification de la Loi de Ventôse, je souhaite évoquer deux « gamechangers » pour le Notariat et la Justice.
- La passation des actes par le canal de la vidéoconférence. Plus qu’une intervention de nature juridique, cette nouveauté doit mettre en route un changement de culture à la Justice. Les choses se déroulent parfois de manière bizarre. Je me souviens de l’apparition de l’e-mail et d’Internet. A un moment donné, les pensionnés utilisaient souvent l’e-mail et l’Internet davantage que les professionnels. De nos jours, communiquer par Skype avec la famille qui est en voyage est en train de devenir une chose tout à fait normale, mais les titulaires de professions juridiques hésitent encore beaucoup à utiliser la vidéoconférence malgré l’énorme gain de temps qu’elle peut engendrer. J’espère qu’ ici également, le notariat sera un leader dans le changement de culture.
- L’autre point que je désire évoquer est l’introduction de l’Etude à Résidences Multiples. L’étalement de la prestation de services et des études, la proximité avec les citoyens, sont d’importants aspects de la fonction de notaire. D’autre part, l’amélioration permanente de la qualité est importante elle aussi. Parfois, celle-ci n’est réalisable que dans un cadre plus vaste, à cause des coûts d’investissement, des avantages d’échelle, de la spécialisation, etc. A ce propos, un mauvais choix avait été opéré dans la loi de 1999. En rectifiant le tir aujourd’hui et en donnant également à des études de notaire plus petites et plus éloignées la possibilité de s’associer et, dans le même temps, de maintenir ouverte leur résidence, nous offrons une importante solution. C’est également la raison pour laquelle j’ai quand même voulu, aussi à la demande de la Fédération Royale du Notariat Belge, introduire cet amendement. Avec le petit retard comme conséquence. Mais ces quelques semaines ne sont rien à côté de l’importance de ce projet.
Je terminerai où j’ai commencé. D’autres importants changements qui concernent le notariat sont en route : la modernisation du droit successoral et une modernisation partielle du droit des régimes matrimoniaux, le nouveau droit des sociétés et le droit de l’entreprise et de l’insolvabilité, avec, à la demande du notariat, une légère modernisation et standardisation de la vente publique. Mais également encore des adaptations au stage et à la réglementation disciplinaire. Ces deux derniers sujets, j’espère pouvoir les reprendre dans la loi relative à la modernisation des professions juridiques. Avec la loi Pot-pourri V, nous réalisons déjà quelques étapes importantes, mais c’était parce que vous y étiez déjà prêts.
Comme vous pouvez le voir, le notariat bénéficie de toute mon attention, tout comme j’ai le sentiment de bénéficier de votre total soutien dans mon engagement pour la modernisation de la Justice. Je suis très heureux de la coopération avec la Fédération Royale du Notariat Belge et avec la Chambre Nationale. Ces sont des entretiens ouverts, honnêtes et constructifs. C’est aussi la raison pour laquelle nous progressons bien.
Je vous souhaite encore une bonne journée d’étude.
Je vous remercie.