Les médecins ou les avocats pourront profiter de la déclaration de faillite. Les entreprises pourront préparer leur faillite à l’abri des regards.
Réduire le nombre de faillites en augmentant les chances de survie des entreprises, encourager l’entrepreneuriat… Ce sont quelques-uns des objectifs d’un avant-projet de loi sur l’insolvabilité des entreprises à l’ordre du jour du conseil des ministres de ce vendredi. Ce texte fusionne deux législations actuelles – la loi sur les faillites et la loi sur la continuité des entreprises. Le ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V), estime qu’il n’y avait plus besoin de maintenir deux lois différentes alors qu’elles traitent de la même chose. Voici les principales nouveautés.
1 Extension aux professions libérales. Le champ d’application de la loi va être élargi aux professions libérales. Actuellement, il n’est pas possible pour un dentiste, un architecte ou tout autre titulaire de profession libérale de déposer son bilan et d’être déclaré en faillite. S’ils ont accumulé des dettes qu’ils ne peuvent plus rembourser, ceux-ci n’ont aucune procédure légale à leur disposition pour résoudre ce problème. Dans certains métiers, ces problèmes sont traités sur base solidaire. Les notaires disposent par exemple d’un fonds de garantie. Mais pour de nombreuses professions libérales, la seule issue possible est la médiation de dettes, avec des périodes de remboursement pouvant s’étendre sur de nombreuses années. Avec ce texte, ils auront bientôt les mêmes droits que les commerçants par exemple. La loi ainsi que de futurs arrêtés royaux prendront en compte la spécificité des professions libérales. Ces spécificités rendaient jusqu’ici la loi sur les faillites difficilement applicable dans leur cas. On pense en particulier au secret professionnel ou au libre choix du médecin, de l’avocat ou du notaire : un curateur ne peut pas vendre comme il l’entend un cabinet avec son portefeuille de clients.
2 Favoriser les procédures à l’amiable. Une entreprise qui a accumulé des dettes peut aujourd’hui avoir recours à une procédure d’accord à l’amiable hors procédure judiciaire avec ses créanciers en vue d’échelonner ses paiements. Cette possibilité ne rencontre aucun succès. En cause ? L’absence d’incitants pour les créanciers. S’ils acceptent des paiements en provenance de leur débiteur, ils n’ont aucune certitude qu’ils pourront conserver cet argent si celui-ci tombe finalement en faillite. Le curateur a en effet le droit d’aller lui réclamer cet argent car il peut considérer que ce versement a été fait durant une période suspecte et qu’il s’agit en réalité d’un actif de la société.
Koen Geens veut rendre plus attractive cette procédure de règlement à l’amiable qui coûte moins cher aux entreprises et désengorge les tribunaux. Il veut modifier la loi afin que l’argent versé dans le cadre d’une procédure à l’amiable ne puisse plus être réclamé. Autre nouveauté, la société en difficulté pourra désormais – même si on est dans une procédure extrajudiciaire – demander à un tribunal de désigner un médiateur professionnel qui viendra l’épauler dans la négociation avec les créanciers.
3 La faillite silencieuse. La nouvelle loi crée la possibilité pour une entreprise de se préparer à la faillite en toute discrétion afin de pouvoir au mieux valoriser ses actifs et ainsi rembourser au maximum ses créanciers. Lorsqu’une entreprise est déclarée en faillite, la nouvelle est aussitôt rendue publique et il devient tout de suite plus difficile de réaliser les actifs. Ceux-ci sont dévalués. C’est comme une maison. Mieux vaut la vendre en gré à gré qu’en vente publique. Avec cette nouvelle loi, l’entreprise aura désormais la possibilité de demander au tribunal la désignation d’un pré-curateur qui va contacter discrètement les créanciers et régler la faillite dans les meilleures conditions possible, à l’abri d’une mauvaise publicité.
4
E ntrepreneuriat de la seconde chance. La nouvelle loi veut permettre à ceux qui ont connu une faillite de pouvoir rebondir plus rapidement et de se relancer dans un nouveau projet d’entreprise. Aujourd’hui, ils doivent attendre la fin de la procédure pour déposer une demande visant à être déclaré « excusable » par le tribunal. Ce statut leur permet d’être libérés de toutes les dettes qui restent impayées. Koen Geens veut modifier la loi afin que le failli puisse demander « l’effacement » de ses dettes impayées beaucoup plus tôt dans la procédure. Une enquête sera toujours bien sûr menée pour vérifier si la faillite n’est pas frauduleuse. L’objectif est d’aider ceux qui ont connu un échec à se relancer le plus vite possible, pas à blanchir les fraudeurs.
JEAN-FRANÇOIS MUNSTER