Le Ministre de la Justice Koen Geens a été entendu aujourd’hui par la commission d’enquête parlementaire qui se penche sur les attentats terroristes. Le Ministre de la Justice y a donné son diagnostic sur la période qui a précédé les attentats. Les attentats de Paris et Bruxelles ont mis en lumière une série de manquements dans notre appareil sécuritaire et judiciaire, auxquels il faut remédier.
Répondant à une question du président de la commission, le Ministre a indiqué que depuis son entrée en fonction il avait détecté 3 grands points à améliorer dans le paysage judiciaire et dans l’approche en matière de terrorisme. Il s’agit du suivi de l’exécution des peines, de l’architecture policière, et du recueil et du traitement de l’information.
1. Exécution des peines
Un important problème est que personne ne se sent véritablement responsable de l’ensemble du processus de suivi de l’exécution des peines. Il implique de très nombreux acteurs et la communication ne se déroule pas toujours de manière aisée. Le diagnostic porte sur les trois points suivants :
- il s’écoule beaucoup trop de temps entre l’imposition d’une mesure et sa communication aux services de contrôle ;
- il existe un arriéré au niveau de la prise de mesures et de conditions dans la Banque de données générale (BNG), parce que la police doit le faire manuellement, ce qui entraîne le risque que certains passent entre les mailles du filet ;
- il existe un besoin de plus de précisions sur ce que les services de police doivent comprendre par ‘suivi de personnes sous conditions’. Ceci doit être davantage précisé à l’intention de gens de terrain ;
Le Ministre a également formulé quelques propositions concrètes. Ainsi, il veut donner au Ministère public un rôle de coordination important dans le suivi des personnes libérées sous conditions, rôle reposant sur les piliers suivants :
2. Architecture policière
Par ailleurs, le Ministre considère qu’il est nécessaire de rénover la police judiciaire. Pour ce service fédéral de quelques 4.500 personnes intégré dans la police fédéral, le Ministre plaide pour un lien renforcé entre la police judiciaire et le Collège des procureurs généraux du Ministère public. Le manque d’un tel lien a été évoqué à plusieurs reprises lors des auditions des mois écoulés.
- Afin de pouvoir mettre encore mieux en exécution la politique pénale et en particulier la politique de recherche, il faudrait pouvoir mettre en place un fonction de conduite, de contrôle et de coordination renforcé pour le Ministère public au niveau policier de la recherche et de l’enquête, par ressort donc.
- Le lien entre le Ministère public et la police judiciaire doit donc être renforcé à ce niveau, en termes de contenu mais aussi de capacité. Il faudrait aussi que le parquet fédéral puisse disposer d’une propre service d’enquête au sein de la police judicaire.
- Le Ministère public doit non seulement participer à la mise en œuvre de la politique pénale, et donc réaliser un travail de contenu, mais également participer à la conduite de la capacité engagée. Il faut plus que jamais que l’approche policière du terrorisme se raccorde parfaitement au reste de l’approche de chaîne, que l’on puisse engager rapidement la capacité policière, que l’on dispose d’un très haut niveau de spécialisation. Il est aussi absolument nécessaire que les systèmes d’information soient interopérables. Enfin, il faut que les contacts entre les magistrats et les enquêteurs soient particulièrement bons.
3. Recueil et traitement de l’information
Enfin, le Ministre Geens a indiqué que la position de la Sûreté de l’Etat en matière d’information devait être davantage améliorée. Le Ministre se réfère à ce propos à un rapport du Comité R indiquant un manque de sources bien placées dans le milieu djihadiste et la nécessité d’investir sur ce plan. Il a également énuméré un nombre de mesures prises et de mesures à prendre.
- On travaille à accroître la spécialisation dans le traitement des informateurs. Cela signifie que les inspecteurs chargés des sources humaines doivent être soulagés des tâches plus administratives, qui grèvent le travail réel de recrutement et de traitement des sources.
- On investit maintenant davantage dans la formation, par exemple dans le domaine des langues et dans la connaissance de la communauté et du milieu dans lesquels des sources potentielles évoluent.
- La Sûreté de l’Etat élabore actuellement des analyses stratégiques spécifiques afin de pouvoir recruter des sources de manière plus ciblée et dans les milieux pertinents.
La circulation de l’information est aussi susceptible d’améliorations. La Banque Générale de Données et l’architecture en îlots des banques de données d’experts, distinctes et non connectées, doivent être organisées d’une autre manière.
- Une interrogation à distance des banques de données d’experts qui contiennent de l’information classifiée doit être rendue possible, par exemple sur la base d’un hit – no hit. Ainsi, un enquêteur saura au moins que de l’information existe. Il doit en général y avoir plus d'interconnection. Outre un système "push" où l'information d'un acteur est envoyée vers d'autres acteurs, doit exister un système "pull" duquel tous les acteurs concernés peuvent tirer l'information pertinente.
- Plusieurs services ont diffusé des signalements concernant des mêmes personnes mais les informations obtenues par les contrôles effectués ne sont pas revenues dans tous les cas vers l’unité qui a diffusé un signalement. En novembre 2015, la DJSOC/Terro a diffusé une instruction et, en août 2016, une note adaptée a été diffusée, au terme d’une période de tests pratiques, en accord avec le parquet fédéral et le Collège des procureurs généraux.
- Le système i-Police doit être réalisé. Avec cette solution end-to-end, tous les processus doivent être couverts, de la réception d’un signalement à la recherche et à l’établissement d’un procès-verbal, avec centralisation de toutes les données disponibles.
Concrètement, on dispose aujourd’hui de règles claires pour les signalements policiers de foreign terrorist fighters dans les banques de données nationales et internationales, de même que l’on sait qui émet le signalement, quelle sorte de signalement doit être imposé et qui doit recevoir l’information si un individu signalé est repéré.