La N-VA veut un Patriot Act, elle est la seule

op 01 augustus 2016 05:39 Le Soir

ANALYSE

Au lendemain de l’attentat de Nice, la coalition suédoise avait fait bloc dans la sobriété politique. Hommage et solidarité avaient bien évidemment été exprimés. Mais, dans la foulée, point d’annonce, pas de nouvelle mesure. Logique puisque la Belgique n’était pas directement impactée. Surtout, la rue de la Loi faisait le constat que beaucoup de dispositions avaient déjà été prises, après l’opération de Verviers, les attentats de Paris puis de Bruxelles : 36 au total, dont deux tiers en cours d’exécution. « Commençons par appliquer tout cela » , nous confiait-on dans les rangs gouvernementaux. Où l’on insistait par ailleurs : « Les politiques vont devoir intégrer que le risque zéro n’existe pas. » C’était le 15 juillet…

Dix jours plus tard, ce consensus a volé en éclats. Principalement à l’initiative des nationalistes flamands, qui multiplient les sorties sécuritaires, ces derniers jours. C’est d’abord la députée flamande Annick De Ridder qui veut restreindre la liberté d’expression des partisans de Daesh ; puis le chef de groupe à la Chambre, Peter De Roover, qui lui emboîte le pas, estimant que les djihadistes doivent être traités comme les néonazis. Bart De Wever soutient et prolonge, ce samedi, dans les colonnes du Belang van Limburg . Le président de la N-VA, qui a le sens de la formule, réclame un « Patriot Act à la belge » . Concrètement, l’idée n’est pas encore très aboutie, il est simplement question « de donner une marge de manœuvre plus importante à la police, aux autorités locales, aux services de renseignement » . Comment les nationalistes flamands entendent traduire en textes de loi un concept américain né du 11 Septembre, ce sera pour la rentrée, le parti « y travaille d’arrache-pied » .

Faut-il rappeler qu’en décembre, le bourgmestre d’Anvers s’était fendu d’une sortie en tous points identique ? Il s’était aussitôt fait désavouer par ses partenaires fédéraux. Cette fois, le patron de la N-VA, qui réclame par ailleurs des pouvoirs accrus pour les bourgmestres dans la surveillance des radicalisés, martèle que le Patriot Act « doit être une priorité du gouvernement » – elle ne figure toutefois pas, à ce stade, dans les « 25 mesures phares » édictées par Charles Michel le 23 juillet dernier…

Le CD&V se distancie de la N-VA

Koen Geens, ministre CD&V de la Justice, a réagi en affirmant que « la peur était mauvaise conseillère pour les dirigeants. Je plaiderais davantage , a-t-il dit, pour une poursuite du renforcement de la législation existante, comme l’a fait le ministre français de la Justice la semaine passée. »

Gwendolyn Rutten, présidente de l’Open VLD, rappelle qu’ « après le Patriot Act, les Américains ont dû voter un Freedom Act pour rétablir leurs libertés . Nous ne voulons pas commettre la même erreur. Par ailleurs, nous voulons mener le débat sur la liberté et la sécurité là où il doit être mené, au Parlement. »

Fait rarissime, Wouter Beke, président du CD&V, a interrompu ses vacances pour s’en prendre durement à Bart De Wever dans le Morgen . C’est un tweet de Louis Ide qui l’a fait sortir de ses gonds : le secrétaire général de la N-VA rendait Angela Merkel responsable, par son attitude envers les réfugiés, de l’attentat de Rouen. « Là, on a franchi la frontière de l’acceptable. Mais personne, à la N-VA, n’a condamné. » Wouter Beke, pesant chaque mot comme à son habitude, met en garde contre le risque de « trumpisation de la Flandre » .

Un conflit profond, qui risque de mettre en danger le gouvernement fédéral ? Rien n’est moins sûr car, aussitôt, Wouter Beke souligne les mérites socioéconomiques de la coalition. « Mais, en 2019, ce n’est pas sur le budget, mais bien la sécurité que les électeurs trancheront » , observe, dans les colonnes d’en face, Bart De Wever. Raison pour laquelle, sans doute, la N-VA transforme la trêve estivale en offensive sécuritaire.