Dans son rapport sur les projets d’ajustement du budget de l’Etat (contrôle budgétaire), la Cour des Comptes fait mention à juste titre d’un montant de 33,6 millions de factures de l’année 2015 que le SPF Justice n’a pas été en mesure de payer en 2015. Ce montant concerne deux importants sujets de préoccupation de la Justice : les frais médicaux des détenus et les frais judiciaires.
Ce montant n’a rien à voir avec l’exercice de rattrapage que le Ministre de la Justice avait effectué en 2015, dans le but de payer des factures arriérées datant d’avant 2015 qu’il avait découvertes lors de son entrée en fonction et qui ont toutes été payées entretemps.
Parce que, après cette manœuvre de rattrapage, donc pour les factures de 2015 et 2016, trop peu de moyens avaient été mis à disposition, l’image négative des arriérés se profile de nouveau à l’horizon dans les prévisions budgétaires qui figurent dans le budget.
Le Ministre de la Justice ne laissera toutefois pas les choses aller aussi loin et il a déjà entrepris plusieurs actions proactives en vue d’une bonne gestion, tant des frais médicaux que des frais judiciaires.
Soutenu en cela par l’Inspection des finances, le Ministre de la Justice a entrepris entretemps les actions suivantes :
- En avril de cette année, durant le contrôle budgétaire, la piste a de nouveau été déposée sur la table d’intégrer totalement les frais médicaux des détenus dans le système INAMI. Cette proposition visait à redresser une situation qui s’était distordue historiquement, dans laquelle on demandait encore à Dame Justice de prendre en charge les soins médicaux des détenus. Il va de soi que, par nature, ce poste de coûts n’est pas susceptible d’économies : si des détenus sont malades et ont besoin de soins médicaux, ils doivent les recevoir. Il s’agit d’un droit fondamental. En accord avec le Kern, le dossier sera traité en automne en vue d’une décision définitive.
- Les frais de justice échappent aussi par nature au contrôle de gestion de la Justice. Il serait en effet socialement inacceptable de ne pas effectuer des actes d’investigation en matière pénale pour des raisons purement budgétaires. Les victimes et leurs familles ont droit à une analyse correcte des faits et les auteurs ont droit à une enquête approfondie avant d’être condamnés sur base de faits « établis ».Afin de garder ce budget malgré tout sous contrôle, plusieurs initiatives ont déjà été prises et sont en cours :
- Ainsi, tous les tarifs des experts judiciaires ont été actualisés. Les tarifs des huissiers de justice et des analyses ADN ont été mis en concordance avec le prix de revient sous-jacent, ce qui génère une économie de 10 millions. Sous peu, les tarifs des opérateurs de télécommunications pour les écoutes téléphoniques seront réduits de moitié, ce qui représentera une économie de 7 millions. Pour la constatation de la consommation de drogues chez les conducteurs de véhicules, il est fait appel aux analyses de salive plutôt qu’aux prises de sang dont le coût est élevé. Des experts médico-légaux accompagnent les parquets dans les méthodes scientifiques d’investigation les plus efficientes.
- Il reste toutefois fort difficile d’avoir prise sur le volume de faits criminels qui requièrent un examen approfondi. Les attentats perpétrés le 22 mars à Zaventem et Maelbeek l’ont démontré. Ces faits doivent être examinés et requièrent de la Justice d’importants moyens budgétaires en frais judiciaires.
- C’est pourquoi le budget envisagé de frais judiciaires doit être augmenté et le Ministre de la Justice a demandé en Kern le 5 février un engagement du Gouvernement d’attribuer 26 millions de moyens supplémentaires aux frais judiciaires. Ce montant est repris en cours d’année dans le budget de la Justice, via la provision interdépartementale terrorisme et radicalisation.
- A l’occasion de l’élaboration du budget 2017, une augmentation des frais judiciaires est également demandée à concurrence de 13 millions afin de résoudre le sous-financement structurel et qui a été reconnu récemment par l’Inspection des finances.
- Par ailleurs, des initiatives européennes déterminent elles aussi les frais judiciaires. La Directive 2010/64/UE concernant le droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales et la Directive 2012/29/UE établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité ont été approuvées en Conseil des ministres du 3 juin. A cet effet, le Ministre de la Justice a déjà demandé lors du contrôle budgétaire un budget supplémentaire de 4 millions, soit une augmentation de 20 % du budget actuel pour les traducteurs et interprètes. Il va sans dire que les coûts de chaque initiative réglementaire sont surveillés en ce qui concerne leur impact sur les frais judicaires.
- A partir de la provision interdépartementale terrorisme et radicalisation 400.000 euros ont encore une fois été inscrits, via l’arrêté de répartition du 30 mai 2016, au poste des frais judiciaire de la Justice.
Ces montants représentent 43,4 millions d’euros.
Afin de quand même pouvoir payer un certain nombre de factures de 2015 sur des crédits 2016, il est demandé d’assouplir le principe d’annualité afin que la Justice puisse continuer provisoirement à honorer ses paiements, en attendant l’inscription effective des moyens supplémentaires précités dans son budget.