L’ancien ministre de la Justice et vice-Premier ministre Koen Geens (CD&V) était l’invité des Grandes Conférences catholiques ce lundi soir. Désormais député fédéral, il est revenu (en visioconférence) sur les enseignements tirés de son passage au pouvoir. L’objet de son exposé était vaste : comment le personnel politique réagit-il face à la crise, qu’elle soit financière, sécuritaire ou pandémique. Plutôt optimiste de nature, Koen Geens jette un regard nuancé sur la capacité des dirigeants à traverser les crises et à en retenir toutes les leçons. “ Karl Popper enseignait que nous progressons si, et seulement si, nous sommes disposés à apprendre de nos erreurs ”, a-t-il rappelé au début de sa conférence.
Ce schéma idéal n’est toutefois que rarement respecté, en politique comme ailleurs. “ L’homme a souvent besoin d’un deuxième arrêt cardiaque avant qu’il ne se souvienne des conséquences pénibles du premier. On peut remplacer dans la phrase ‘arrêt cardiaque’ par ‘guerre mondiale’ ou n’importe quel type de crise sérieuse ”, déplore Koen Geens.
Loi pandémie : une troisième voie
Abordant une question d’actualité brûlante – le cadre juridique à adopter afin d’encadrer les mesures gouvernementales face à la crise sanitaire –, il distingue deux grandes options, et opte pour une troisième, moins radicale. “ Soit cette législation est générique en permettant l’état d’urgence pour n’importe quelle cause menaçant l’ordre public, la sécurité nationale ou la santé publique. Dans ce cas, il existe le risque que l’état d’urgence soit invoqué par un exécutif qui s’empare trop facilement de pouvoirs législatifs ou judiciaires afin de mettre en veilleuse certains droits de l’homme. Soit une législation est spécifique en vue de pouvoir gérer un type défini de crise. Une telle loi spécifique aura besoin d’une révision récurrente suite à l’évolution technologique et scientifique dans le domaine visé, ce qui demande une discipline rarement appliquée. ”
Koen Geens choisit donc une troisième voie : celle d’une législation votée en grande urgence, dès que l’on connaît les défis posés par la crise imminente. Le modèle existe déjà : l’arsenal voté par le législateur belge après les attentats de Paris et de Bruxelles. “ Nous avons privilégié la sécurité, mais dans le plein respect des droits de l’homme ”, se justifie l’ancien ministre de la Justice (à l’époque, au sein du gouvernement Michel).
Pires que le mal
Autre objet des méditations de Koen Geens sur l’exercice du pouvoir : les conséquences néfastes de ce que le monde politique pense être des solutions. Parmi les remèdes qui pourraient se révéler pires que le mal qu’ils prétendent soigner, celui qui fut également ministre des Finances (dans le gouvernement Di Rupo) cite la politique monétaire de ces dernières années. Le déversement de milliards d’euros par la Banque centrale européenne (ou la banque centrale américaine, d’ailleurs) pourrait faire le lit de l’hyperinflation. “ La perfusion monétaire qui, à l’heure actuelle, dope en permanence l’économie réelle est du jamais-vu […]. L’inflation qui gonfle probablement aujourd’hui la valeur de nos investissements en immeubles et de nos actions en bourse pourrait réapparaître dans les prix à la consommation. ”
Faut-il désespérer face aux carences récurrentes dans la gestion de la chose publique ? Koen Geens ne le pense pas. Il cite en particulier la création de l’Union européenne comme l’une des grandes réussites de notre temps. L’Europe nous a sauvé la mise à plusieurs reprises, l’Europe est “ la juste échelle pour confronter nos problèmes ”. Des couacs dans la gestion des vaccins ? Une gestion aléatoire de la “crise” migratoire ? Koen Geens se montre compréhensif : “ Pour l’Union européenne, le processus de chaque crise est ingrat parce qu’il lui est demandé de prendre en urgence ses responsabilités tandis qu’elle ne dispose pas toujours des leviers légaux.”
F.C.