Le ministre de la Justice Koen Geens (CD&V) propose une nouvelle loi pour réformer les droits de succession dans le cadre d’un remariage. « Les gens ne connaissent souvent pas bien les possibilités offertes lorsqu’ils se marient et ils rencontrent des surprises lors d’un décès ou d’un divorce », relevait le ministre lors de sa présentation de la réforme à la Chambre.
Le but, selon lui : moderniser le droit civil en clarifiant les démarches lors d’une séparation et surtout en matière de succession. Trois régimes relatifs au partage, ou non, du patrimoine s’offrent déjà aux futurs mariés. Trois régimes que la réforme propose de moderniser :
Le « régime légal » sans contrat de mariage. Ce premier régime permet aujourd’hui à chaque partenaire de conserver son propre patrimoine acquis avant le mariage. Les revenus professionnels seront, quant à eux, dans le « pot commun » du couple. La réforme va mieux faire la distinction entre les biens qui appartiennent, ou non, au patrimoine commun. « Imaginez qu’il y a vingt ans, un dentiste a acheté un fauteuil pour son cabinet grâce au pot commun . Dans le droit actuel, l’objet lui appartient en cas de séparation ou de décès, mais il doit une indemnisation à son partenaire, égale à la valeur de l’achat. Dans la nouvelle loi, le dentiste acquiert le fauteuil, imputé au patrimoine commun à sa valeur lors de la dissolution du mariage », illustre Marie Landsheere, porte-parole du ministre de la Justice.
La « communauté avec contrat de mariage », signée devant un notaire. Un choix qui permet de clarifier la manière dont le « pot commun » est alimenté. La réforme innove en permettant un « apport anticipé » lors de l’achat d’un bien mobilier en cas de mariage. Il ne faudra alors faire qu’une seule fois appel au notaire.
La « séparation des biens » où chacun garde son propre patrimoine. Pas de « pot commun » donc. C’est le choix d’un quart des couples à ce jour en Belgique. Mais la réforme veut remédier à certaines situations, injustes, que ce régime peut provoquer. « Parfois, l’un des deux partenaires gagne moins bien sa vie que l’autre. Le nouveau texte propose deux nouvelles options prévoyant une certaine protection afin de ne précariser personne en cas de divorce, fait valoir Marie Landsheere. Deux nouvelles options avec toujours les deux patrimoines distincts, mais prévoyant une compensation financière pour le partenaire aux plus faibles revenus au moment du divorce. Compensation qui devra être fixée au moment de la signature du contrat de mariage. »
Un « coup d’épée dans l’eau ». Le professeur en droit fiscal Vincent Sepulchre (ULB, ULg) est sceptique. « Proposer un projet de loi finances n’est pas dans les compétences du ministre Koen Geens, mais dans celles du ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA). Cette réforme répond à un véritable besoin sociétal… mais c’est un coup d’épée dans l’eau ! », affirme-t-il. « Imaginez-vous face au notaire, vous allez bien entendu demander : Combien ça va me coûter ? Il est donc indispensable de créer le pan fiscal de cette réforme, poursuit Vincent Sepulchre. Sinon, elle risque d’être inapplicable. »
Cette réforme devrait s’appliquer dès le 1 er septembre 2018 dans l’ensemble de la Belgique, « mais il faudra voir comment les Régions, qui ont pouvoir en matière de donation et de succession depuis 1989, vont réagir. Si on veut donner une substance à cette réforme, il faut se mettre autour de la table et faire un effort de coopération entre Koen Geens et les entités régionales. On n’y coupera pas », conclut-il.
Marie Thieffry