C’ est un bon jour pour la justice », s’est réjouie, jeudi, la commissaire européenne en charge de ce dossier, Vera Jourova. En effet, les quatre années difficiles de négociations sur le projet de Parquet européen ont enfin connu leur épilogue, avec le feu vert des ministres de la Justice et la participation confirmée de vingt pays au projet, dont la Belgique.
Le rôle du Parquet européen sera d’enquêter, de poursuivre et de renvoyer en jugement, devant les juridictions nationales, les auteurs d’infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE et des cas les plus graves de fraudes à la TVA.
A titre d’exemple, le Parquet deviendrait l’organe compétent en ce qui concerne les millions d’euros de fonds publics destinés aux camps de migrants en Italie qui auraient été détournés par la mafia italienne. Ou encore sur les allégations de fraudes et de corruption entourant des centaines de millions d’euros de fonds structurels européens alloués à la construction d’une ligne de métro en Hongrie.
Pour l’heure, c’est l’Olaf, l’Office européen anti-fraude, qui enquête sur ces cas, mais il ne peut que recommander aux pays européens d’entamer des poursuites et seule la moitié de ses conseils sont suivis.
Une équipe de 115 personnes
L’Olaf va d’ailleurs devoir se séparer d’une partie de son personnel au profit du Parquet européen, a annoncé le commissaire au Budget, Gunther Oettinger. C’est que le coût de la mise en place de l’édifice a monopolisé les dernières heures des négociations entre Etats membres. Selon Oettinger, lorsqu’il sera pleinement opérationnel, le futur Parquet coûtera 21 millions d’euros par an, mais il devrait permettre de récupérer chaque année des centaines de millions. Pour convaincre les pays les plus grippe-sous, sur le staff de 115 personnes, seule une cinquantaine de nouveaux postes seront créés. Le Luxembourg, qui accueillera le Parquet, a fait savoir jeudi qu’il fournirait des locaux gratuitement.
L’édifice sera organisé en deux niveaux. D’abord, un central, avec un procureur européen en chef et un collège de vingt procureurs (un pour chaque pays participant). Ensuite, un niveau décentralisé, constitué de procureurs européens délégués affectés dans les pays participants et responsables des enquêtes sur le terrain.
Tacle néerlandais
Plusieurs pays ont profité du débat public jeudi pour appeler d’autres Etats à rejoindre le projet. Comme l’unanimité requise n’avait pas été atteinte, les Etats membres ont opté pour une coopération renforcée qui permet à un groupe d’au moins neuf pays volontaristes d’aller de l’avant si un accord n’est pas possible à vingt-huit. Pendant le débat, l’Autriche a fait savoir qu’elle rejoindrait le projet, de même que l’Italie, malgré ses réserves sur un manque d’ambition du projet.
Les Pays-Bas, qui ne participent pas, ont quant à eux taclé les propos de la commissaire Jourova parus dans la presse le jour même. Celle-ci avait déclaré, notamment à nos confrères de La Libre Belgique , qu’il serait « logique que les pays qui veulent recevoir des injections massives de fonds européens participent au Parquet européen ». Les Pays-Bas n’ont pas encore de gouvernement donc il n’est pas possible de prendre une décision sur une possible participation, mais ce genre de déclarations ne va pas aider à convaincre le parlement, a dit le ministre néerlandais.
La commissaire Jourova a toutefois rejeté fermement la « simplification » de ses propos dans la presse et assuré qu’il ne s’agissait pas de refuser l’octroi de fonds européens aux pays qui ne participent pas au Parquet européen (la Hongrie, la Pologne, Malte, mais aussi la Suède, le Royaume-Uni et le Danemark qui bénéficient d’une dérogation). Le ministre belge de la Justice, Koen Geens, a quant à lui insisté sur la nécessaire bonne coopération entre le nouvel édifice, opérationnel en principe fin 2020, et les pays non-participants. La Commission sera chargée d’en préciser les contours.
ELODIE LAMER