Assouplissement des règles au sein des copropriétés

le jeudi 13 avril 2017 13:50 Tendances

Le ministre de la Justice Koen Geens s’attaque à la législation sur la copropriété. Car pour qu’habiter ensemble demeure vivable, une modernisation s’impose.

Il y a un an, le ministre de la Justice Koen Geens créait un groupe de travail chargé de jeter un œil critique sur la législation relative à la copropriété. Le groupe, au sein duquel étaient représentés notaires, agents immobiliers et propriétaires, lui a adressé le mois dernier ses conclusions. Adhérant pleinement aux différentes recommandations, le ministre passe désormais à l’action. Le but serait qu’une nouvelle loi soit votée cette année encore.

Nous nous sommes entretenus avec Katelijne D’Hauwers, directrice de l’association Propriétaires Réunis, qui représentait les propriétaires lors des débats. Nous lui avons demandé si la modernisation envisagée allait réellement faciliter la vie des copropriétaires. Notre interlocutrice approuve tout particulièrement l’idée d’alléger le processus de décision. D’après le ministre, l’assouplissement des règles de majorité lors des assemblées générales permettra d’accroître la qualité de vie dans les immeubles à appartements.

Les appartements constituent le type d’habitation qui se multiplie le plus rapidement en Belgique. Sachant que dès 2040, aucun espace supplémentaire ne pourra être bâti en Flandre, la construction en hauteur sera davantage encore encouragée. Selon les chiffres du SPF Economie, la Belgique compte d’ores et déjà près de 183.000 immeubles à appartements, dont quelque 20.000 ne sont pas équipés du chauffage central et 10.000 n’ont pas de salle de bains. Pas moins de 66 % des immeubles à appartements datent d’avant 1982.

Des intérêts différents

« Les propriétaires qui occupent eux-mêmes leur appartement et les propriétaires qui le mettent en location ont fréquemment des intérêts différents, a déclaré Koen Geens. Cela engendre parfois des discussions et des conflits. Le vieillissement des immeubles à appartements dans notre pays peut encore aggraver cette situation. » La liste des recommandations dressée par le groupe de travail doit permettre de résoudre toute une série de problèmes pratiques.

« Les recommandations sont naturellement le résultat de compromis entre différents intervenants, relativise Katelijne D’Hauwers. Je suis néanmoins convaincue que l’abaissement des majorités qualifiées permettra de débloquer maintes situations verrouillées par un propriétaire ou une minorité de propriétaires. Il était indispensable de changer ces règles. »

Dans le même esprit, il devrait être possible de nommer un administrateur provisoire, habilité à trancher et à statuer à la place de l’assemblée générale. « Lorsqu’un point de l’ordre du jour est rejeté, il est en principe possible de s’adresser au juge de paix, expose Katelijne D’Hauwers. Nous recommandons toutefois à nos membres d’éviter autant que possible d’en arriver là ; parce qu’il faut mandater un avocat, ce qui coûte du temps et de l’argent. Mais surtout, saisir la justice signifie de s’attaquer aux autres copropriétaires, avec qui l’on est pourtant appelé à vivre longtemps encore. Ce sont les voisins et il faut essayer de s’entendre. »

Evolutions des majorités

Les travaux importants aux parties communes doivent être votés à la majorité des trois quarts. Laquelle pourrait toutefois être ramenée aux deux tiers, en vue d’accélérer la prise de décision. Le principe « qui paie, décide » pourrait en outre être instauré. Combien de propriétaires d’un rez-de-chaussée ne sont-ils pas dispensés de participer aux investissements dans l’ascenseur ? Il semble donc logique qu’ils s’abstiennent de voter sur ce sujet.

Démolir certains immeubles pour les reconstruire entièrement ne serait pas une mauvaise chose. « Il est par exemple quasi impensable de mettre aux normes énergétiques, en se contentant de bricoler ici et là, les immeubles antérieurs à 1960 », déplore Katelijne D’Hauwers. A l’heure actuelle, toute décision de démolir dans le but de reconstruire doit être prise à l’unanimité des voix ; il suffit donc qu’un copropriétaire ne soit pas d’accord, ou pas suffisamment fortuné, pour que la proposition soit rejetée.

Dans des circonstances bien définies, l’unanimité, lorsqu’il s’agit de décider de démolir et de reconstruire, pourrait donc être abandonnée. « Quand la sécurité ou l’hygiène sont menacées, par exemple, une majorité des quatre cinquièmes pourra suffire, ajoute Katelijne D’Hauwers. Il n’est évidemment pas question pour nous de toucher aux droits individuels des copropriétaires. Ceux qui ne voudront pas, ou ne pourront pas, participer au financement des travaux de rénovation, pourront décider de céder leur part dans le bâtiment aux autres copropriétaires, en échange d’une juste compensation. » Juste compensation au sujet de laquelle le juge de paix pourrait être appelé à trancher.

Le cas dans lequel « la dépense nécessaire pour adapter l’immeuble à la législation serait disproportionnée » est une autre situation encore où la majorité des quatre cinquièmes suffirait pour décider de procéder à une démolition suivie d’une reconstruction.

Si les recommandations du groupe de travail sont mises en œuvre, il suffira d’obtenir l’accord de la moitié des copropriétaires pour exécuter les travaux imposés par les pouvoirs publics. « Il est pour nous incontestable que les propriétaires qui occupent ou louent un appartement ne sont pas du tout sur la même longueur d’onde que ceux qui utilisent le leur comme résidence secondaire, constate Katelijne D’Hauwers. Cela se remarque notamment à la côte. » D’ici 2020 par exemple, tous les immeubles à appartements de Flandre devront satisfaire à des normes d’isolation de toiture plus strictes. « Mais en cas de non-respect, seul le propriétaire-bailleur sera en réalité sanctionné : il ne sera plus autorisé à mettre son appartement en location, même s’il est situé au rez-de-chaussée. Le propriétaire qui utilise son appartement comme résidence secondaire se sent vraisemblablement beaucoup moins concerné par l’isolation de la toiture : que lui importe de devoir chauffer un peu plus que la normale pour les deux ou trois séjours qu’il y fait, peut-être, en hiver ? »

Enregistrement du syndic

Premier signe du mouvement de modernisation : l’obligation faite depuis le 1er avril à toutes les associations de copropriétaires d’inscrire leur syndic à la Banque- Carrefour des entreprises. L’opération coûte 85,50 euros et peut être effectuée auprès de n’importe quel guichet d’entreprises. Les associations de copropriétaires ont un an pour se mettre en règle ; en d’autres termes, chaque syndic doit être enregistré pour le 1er avril 2018 au plus tard. Le syndic est notamment chargé de convoquer les assemblées générales et de suivre les travaux d’entretien et de réparation. Il peut s’agir d’une personne physique ou d’une personne morale. « L’inscription à la Banque-Carrefour est gage de davantage d’ouverture, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir, approuve Katelijne D’Hauwers. Devoir se déplacer jusqu’à un immeuble pour noter l’identité et les coordonnées de son syndic est désormais de l’histoire ancienne. »

ILSE DE WITTE