La Belgique s'est préparée au retour probable de combattants de Syrie et d'Irak, a assuré le ministre de la Justice, Koen Geens. Il faudra les suivre mais, selon lui, il faudra aussi éviter de commettre les mêmes erreurs que celles qui ont été commises après la IIe Guerre mondiale.
L'historien Bruno De Wever, frère du président de la N-VA, a comparé la situation de la Belgique pendant la guerre à celle qu'elle connaît maintenant face au terrorisme. Cette comparaison permet de relativiser les événements actuels. La Belgique comptait ainsi quelque 18.000 combattants du Front de l'est, soit des Belges partis se battre aux côté des nazis, contre 5.000 personnes parties au Moyen-Orient pour toute l'Europe.
"On doit sanctionner durement les gens qui ont commis des méfaits, mais pas les punir aussi durement que ceux que l'on a punis après la IIe Guerre mondiale car cela a créé des blessures dans notre société, que l'on sent encore maintenant. Tout cela doit donc se passer de manière juste", a expliqué le ministre au cours d'un entretien avec l'agence Belga.
"On ne sait pas ce qui se passera avec ces gens mais il faudra faire attention aux cas individuels, comme on les a vus à Nice ou à Berlin, qui ne sont pas des 'returnees'. On peut s'organiser contre la violence organisée, dirigée par l'Etat islamique mais il faut constater que l'on est presqu'impuissant face à la rage individuelle de personnes qui se mettraient à tirer dans la foule comme ce fut le cas en Turquie".
--- "Nous avons perdu notre innocence" ---
La Belgique commémorera la semaine prochaine le premier anniversaire des attentats du 22 mars 2016. "Avec Zaventem et Maelbeek, nous avons perdu notre innocence", estime M. Geens.
Depuis janvier 2015 et l'attentat contre Charlie Hebdo ainsi que l'action anti-terroriste à Verviers, la Belgique et ses voisins ont dû s'armer contre la menace. "En moins de deux ans, tout un monde a changé", ajoute le ministre.
Le gouvernement fédéral a annoncé 30 mesures pour renforcer l'arsenal de lutte contre le terrorisme, aujourd'hui presque toutes approuvées. Après le 22 mars, le ministre a plaidé auprès du premier ministre pour éviter l'inflation législative. Les déclarations et propositions n'ont pourtant pas manqué en deux ans, suscitant souvent la polémique et une grande attention médiatique. "On a déjà fait énormément de choses, on en a annoncées, on a légiféré, ce qui est facile. Exécuter sur le terrain, c'est autre chose. C'est pour cela que j'ai tellement insisté auprès du Premier ministre pour qu'ayant exécuté la plupart des 30 mesures, on arrête un petit moment. Le législateur doit suivre, le parlement aussi. Il y a un embouteillage de mesures. L'effet d'annonce est devenu trop important, ce n'est pas neuf. On annonce quelque chose et puis plus personne ne s'y intéresse. Ça ne sert pas à grand-chose".
--- "Nous sommes quand même loin d'un Guantanamo" ---
Les réformes entreprises ont préservé les libertés publiques en Belgique, considère le ministre malgré les critiques entendues ci et là. "Je suis assez fier de ce qu'on a pu faire. On a énormément parlé des violations qui auraient pu se produire, de l'état d'urgence, de mettre de côté ceci ou cela. Dans notre beau pays, nous sommes quand même loin d'un Guantanamo ou je ne sais quoi d'autre. Nous avons sauvé beaucoup plus que l'essentiel. Par rapport aux pays qui nous entourent, c'est une très belle réussite".
M. Geens attend les recommandations de la commission d'enquête sur les attentats terroristes avant de poursuivre les réformes. Il a toutefois esquissé les domaines où celles-ci devraient avoir lieu. A bref délai, il faut mieux faire circuler l'information entre la police et le parquet dans le cadre des enquêtes et entre la justice et la police dans le cadre des exécutions des peines. "On n'est pas dans la modernité", a-t-il jugé. A plus long terme, une fois que les réformes auront été digérées, il faudra se pencher sur l'architecture générale de la police et du parquet. "On a réformé la police après l'affaire Dutroux. Il ne faut pas trop réformer mais je crois que la structure n'est pas tout à fait parfaite, et c'est un euphémisme", a-t-il dit.
--- "S'il y a une responsabilité, c'est une responsabilité partagée" ---
A voir le travail des services belges dans la lutte contre le terrorisme, le ministre de la Justice se refuse à pointer du doigt des responsabilités individuelles mais préfère voir des "fautes systémiques". "Nous avons appris du passé, de l'affaire Dutroux ou du drame du Heysel. On a renoncé à trouver le coupable qui, s'il n'avait pas commis cette erreur, aurait sauvé 32 vies. S'il y a une responsabilité, c'est une responsabilité partagée, et pas de la seule Belgique d'ailleurs. C'est dans cet esprit que nous avons travaillé, majorité et opposition réunies. A partir de là, il y a des fautes systémiques et c'est surtout ces fautes-là qu'il faut éviter".
--- "Ce qui compte, c'est d'empêcher le passage à la violence" ---
Les départs en Syrie et la menace terroriste ont mis l'idée de la "déradicalisation" à l'avant-plan. Le concept peine pourtant à trouver un contenu concret. Le ministre ne désespère pas d'y arriver. Il s'est concentré sur le travail en prison et a consulté des experts de la plate-forme des imams flamands, notamment Khalid Benhaddou, et le consultant Saïd Aberkan.
"Ils m'ont donné l'espoir que c'était possible, que l'on pouvait réfuter les conceptions qui sont à la base du radicalisme violent par un processus systématique de discussion avec les personnes radicalisées".
Le ministre attache d'abord de l'importance au "désengagement". "Car ce qui compte surtout, c'est d'empêcher les gens de passer à la violence". (INT, POL, NBA, DCL, fr)
Attentats à Bruxelles, un an après: La répression des combattants ne doit pas mener aux excès de l'Epuration, selon Koen Geens
le samedi 18 mars 2017 10:06 • Belga