Les Belges vivent de plus en en plus vieux, mais ne gardent pas toujours toutes leurs facultés mentales. Du coup, ils ne savent plus gérer leurs biens, leur budget de ménage et parfois même ne sont plus aptes à prendre des décisions pour eux-mêmes. Ces personnes sont alors placées sous protection judiciaire par le juge de paix. Les dossiers explosent. En dix ans, ils ont plus que doublé !
Les chiffres sont en hausse et continueront à augmenter. En 2005, on totalisait en Belgique 32.603 personnes placées sous protection judiciaire. En 2010, on est passé à 50.556 personnes et à 74.545 personnes fin 2015. On parle ici de tous ces gens déclarés « incapables » et pour qui un juge de paix a désigné un administrateur. Cet administrateur peut être un membre de la famille, une amie, un voisin ou un professionnel comme un avocat, un notaire.
Il ne faut pas nécessairement être grabataire ou dément pour être placé sous protection. Des personnes prodigues (achats compulsifs, aucune notion de l’argent…) peuvent aussi bénéficier de cette protection. Tout comme une personne qui, en raison d’une hospitalisation par exemple, se retrouve dans l’impossibilité provisoire de gérer ses biens.
Depuis septembre 2014, le juge précise si cet administrateur est désigné pour gérer les biens de la personne ou pour gérer la personne elle-même ou les deux à la fois. Il peut d’ailleurs désigner deux administrateurs différents. « Désormais, en tant qu’administrateur de la personne, je peux par exemple décider du lieu de vie de la personne », témoigne Laurent Dachelet, avocat à Uccle, qui gère, avec les deux confrères de son cabinet, une soixantaine de dossiers de ce type. « Cela comble un vide juridique. Jusque-là, c’était par exemple les services sociaux qui essayaient de convaincre une personne âgée de vivre dans un home. Désormais, je peux le décider mais attention, le juge doit avoir un certificat médical, rencontrer la personne, etc. »
Il n’y a pas que le vieillissement de la population qui explique cette hausse des dossiers. Les assuétudes à l’alcool, à la drogue… poussent aussi de plus en plus les juges de paix à placer un individu sous administration.
Aînés dépouillés !
« J’observe aussi un autre phénomène inquiétant », ajoute Laurent Dachelet. « On voit de plus en plus de personnes âgées mises sous protection judiciaire, après avoir été dépouillées. Par un voisin, un cousin éloigné… Il s’agit souvent de femmes seules et veuves. J’ai par exemple eu le cas d’une dame âgée de Forest qui a été dépouillée par son banquier de quartier. Gentiment, il venait chez elle pour lui apporter son argent liquide. Mais pour lui apporter 1.000 euros, il retirait 5.000 de son compte en banque. Et la pauvre dame, qui n’y voyait plus très clair, n’a rien remarqué. Cette dame, dépouillée d’un total de 70.000 euros, a été mise sous protection judiciaire et le banquier attend son procès. »
Ces personnes vulnérables, parfois fortunées, peuvent aussi attiser la convoitise… des administrateurs eux-mêmes. « Certains juges de paix n’hésitent pas à désigner des comptables ou réviseurs d’entreprise pour s’assurer que l’administrateur gère correctement le patrimoine de la personne et c’est une très bonne chose. Mais cela ne se fait que quand il y a du patrimoine car les frais doivent être supportés par la personne protégée. Un juge ne va jamais demander un tel contrôle pour une personne qui touche 800 euros par mois du CPAS. »
Afin d’alléger le travail des juges de paix qui sont un peu submergés par cette matière, le ministre de la Justice Koen Geens (CD&V) prépare, avec la ministre de la Santé Maggie De Block (Open VLD), une liste de maladies ou d’états de santé qui détermine quand une personne est incapable pour une longue durée. Pour ces cas, le travail des juges de paix serait simplifié.
F. DE H.