Une semaine difficile se prépare pour le ministre Koen Geens impliqué dans une double négociation avec les agents pénitentiaires et les magistrats.
Après une douzaine de rounds de négociation avec les représentants des gardiens de prison, le ministre de la Justice a-t-il encore une carte à jouer? Koen Geens assure avoir toujours accepté le dialogue social. "J’ai assisté à toutes les négociations dans une atmosphère excellente. Je constate que, partout dans le monde, il existe un problème de connexion entre la base et les dirigeants. Y compris en Belgique. Je ne leur reproche rien. Ai-je encore une marge de manœuvre? Nous avons constaté mercredi dernier vers 11H que cette proposition -pour utiliser une subtilité francophone- se situe entre " la dernière et l’ultime." Le ministre assure être un homme de paix et pas de guerre, mais prévient qu’il y a des limites à tout: "Je ne je comprends pas pourquoi on rejette une proposition dès le début parce que je ne fais pas exactement ce que l’on me demande. On me demande d’écouter. Ecouter, c’est intégrer. Ce n’est pas obéir. Négocier, c’est se retrouver à mi-chemin, dans une perspective d’avenir. " Le ministre dit ne pas vouloir rater le train de la modernisation: " Nous devons choisir notre wagon, tous ensemble, les trois régions, pour un avenir commun. "
Je fais confiance aux partenaires pour les votes qui auront lieux lundi et l’on verra les résultats
Le message de Koen Geens repose toujours sur le même argument: "On ne peut pas me demander d’accepter ce que l’on me propose, sans plus. Car depuis le début de ce gouvernement, j’ai conclu un protocole d’accord qui a été signé par tous les syndicats pour se concerter sur la méthode de travail." Et de citer, comme exemple, l’obtention des congés avant pension, acquis par les agents pénitentiaires avant toute autre profession à 58 ans en 2018. "Je fais confiance aux partenaires pour les votes qui auront lieux demain, lundi et l’on verra les résultats."
Pas de salaire en mai: une provoc ?
A propos de la circulaire prévenant les agents pénitentiaires grévistes qu'ils n'auraient pas de salaire garanti en mai (ndlr: à concurrence des jours non prestés),le ministre de la justice se défend d’en être la cause et d’avoir ainsi mis de l’huile sur le feu. "Contrairement à ce que l’on a dit, je me suis fait confirmer par mon administration que, depuis janvier 2013, on agit de la sorte, la règle existe depuis 1998. Il n’y a pas de revenu minimum garanti. Je comprends que cela fâche, mais dans une grève, il y a des règles du jeu. Il y a des piquets qui doivent être perméables pour laisser passer la nourriture. Et les travailleurs volontaires ne doivent pas être intimidés pour travailler."
L’absence de salaire pour tout le mois de mai (pour les agents grévistes) serait-elle une pression? Le ministre botte en touche : "Non, je n’ai même pas signé cette circulaire moi-même, ce n’était pas nécessaire puisque c’est le cas depuis 2013."
Et à propos des votes dans les prisons ce lundi, il insiste: "j’ai promis un rendez-vous au milieu de 2017 sur les cadres pénitentiaires, prison par prison. Et j’ai l’habitude de tenir mes engagements."
Les actions des magistrats: "Une énigme que j’intègre "
Les magistrats ne sont pas d’accord avec la réduction linéaire de 10% de cadres. Ce qui entraînera des actions du parquet et de la Justice. Des actions que le ministre dit ne pas comprendre.
"Pour le juriste que je suis, la conception d’une grève par un pouvoir qui se veut indépendant est une énigme, mais je l’intègre. J’ai participé à une réunion avec les syndicats des magistrats à deux reprises. Ils avaient deux demandes urgentissimes: faire passer le nombre des stagiaires judiciaires de 24 à 48, et cela a été décidé en conseil des ministres; Et ensuite la pension des magistrats. Nous avons rendu visite au ministre des Pensions et ils ont obtenu satisfaction sur presque toutes leurs demandes. J’écoute, mais j’intègre et j’avance. On discute maintenant de la façon dont la magistrature sera gérée de manière autonome. "
Mais là aussi le bât blesse. Les magistrats accusent le gouvernement de ne pas respecter le cadre (le nombre de juges) fixé par la loi. Le gouvernement n’est prêt qu’à le remplir à 80 ou 90%. Mais c’était déjà le cas avant le gouvernement Michel, réplique le ministre qui précise: "Je ne crois plus dans ce cadre. Il faut chercher une autre méthode pour allouer les moyens. Ils (les magistrats) ont voulu faire une contre-proposition, mais qu’ils ne me demandent pas de l‘accepter comme telle. Les trois pouvoirs sont forcés de s’entendre sur la chose, il faudra un mariage harmonieux et gracieux. La loi sur le cadre des magistrat sera d’ailleurs changée."
Pour leur première action contre l’Etat depuis 1917, les magistrats accusent le gouvernement de désinvestir dans la Justice. "Je ne désinvestis pas", rétorque le ministre. "Avec l’autonomie de gestion, dès que l’on sautera vers l’autonomie il y aura un budget complémentaire et les magistrats le savent. Je négocie depuis 18 mois et il est grand temps qu’on avance. Non, je ne suis pas fatigué, on est dans le virage, je sens que beaucoup de gens disent " on ne veut pas changer ". J’ai tout fait pour écouter les priorités, mais il faut s’entendre. "
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