Une reconnaissance nationale pour les victimes des actes du 22 mars. Maggie De Block, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, Koen Geens, ministre de la Justice, ainsi que Steven Vandeput, ministre de la Défense, en ont décidé ensemble : des mesures supplémentaires seront mises en place pour soutenir les victimes belges des actes terroristes. « Le but est de clarifier les choses pour les victimes des dramatiques événements du 22 mars 2016 » , avance leur communiqué.
Première action : l’élaboration d’un statut de « reconnaissance nationale », similaire à celui d’une victime de guerre. Il garantira une aide d’urgence et, selon le cas, pourra garantir une pension, le remboursement intégral à vie des frais médicaux (qu’ils soient physiques ou psychiques) et une carte de victime qui devrait offrir certains avantages.
Pour aider les blessés et les familles des décédés dans leurs démarches, un guichet unique sera créé au sein du Fonds d’aide aux victimes du SPG Justice. Il sera composé de deux collaborateurs du SPF Justice pour la coordination et la gestion, deux collaborateurs du SPF Sécurité sociale pour prendre contact par téléphone avec les victimes et leurs proches, ainsi que l’institut des Vétérans, qui mettra des assistantes sociales à disposition.
Une aide d’urgence élargie
En attendant ce statut, c’est le Fonds d’aide aux victimes (créé en 1985) qui les aidera, financièrement en tout cas. « En premier lieu, le Fonds donne les moyens aux victimes pour faire face aux frais » , précise Sieghild Lacoere, porte-parole du ministre de la Justice. L’aide financière dite d’urgence pourra désormais s’élever à 30.000 euros, contre 15.000 euros précédemment, et vaut tant pour les dommages physiques que les dommages psychologiques.
Pour le rendre plus accessible, il est par ailleurs prévu d’assouplir les conditions pour en bénéficier. Il ne sera par exemple plus nécessaire d’attendre une décision judiciaire pour recevoir une aide du Fonds, ce qui devrait accélérer le processus. Et son action pourra s’étendre aux victimes d’actes terroristes à l’étranger. Autrement dit, les Belges ayant vécu des attentats dans un autre pays seront donc pris en compte avec effet rétroactif. « Cela permettra, par exemple, aux victimes belges des attentats de Sousse en Tunisie d’introduire une demande d’aide » , précisent les ministres. Seule contrainte : le dossier doit être introduit dans les trois ans qui suivent les faits. Enfin, il a été demandé au Fonds de verser immédiatement aux victimes et à leurs proches, sur simple demande et sans qu’elles n’aient à devoir présenter de justificatif , un acompte de 5.000 euros.
Et une aide principale
« En deuxième lieu, le Fonds peut indemniser les victimes si leurs assurances n’interviennent pas » , ajoute la porte-parole du ministre Geens. L’aide « principale » a elle aussi été revue à la hausse (de 62.000 à 125.000 euros), mais cela n’empêche pas les victimes de faire les démarches auprès des différentes polices d’assurance. Le Fonds agira de façon subsidiaire si ces dernières refusaient de prendre en charge les frais ou si la victime était mal assurée. Tout le monde sera indemnisé, mais le Fonds ne se substituera pas au travail des assurances.
« Les mesures prises par le gouvernement sont louables, mais on peut se demander si l’on va assez loin » , avance Michèle Hirsch. L’avocate pénaliste, qui s’est illustrée dans l’affaire KB Lux et défend les organisations juives dans le cadre de la tuerie au Musée juif de Bruxelles, plaide pour un réel guichet unique qui s’inspirerait du système français.
Chez nos voisins, le Fonds de garantie (FGTI) mis en place en 1986 agit de fait comme réel « guichet unique » : un interlocuteur et un seul débiteur. Si les dommages matériels sont laissés aux assurances privées, les dommages corporels sont quant à eux totalement confiés au Fonds et à la solidarité nationale. En février, 40 % des victimes des événements de janvier 2015 en France avaient déjà reçu une offre définitive d’indemnisation.
« Le travail des victimes est incommensurable , ajoute Michèle Hirsch. Faire porter sur les victimes la recherche juridique du débiteur est une souffrance de plus. » Car c’est bien là l’avantage du système français : il n’existe pas de principe de subsidiarité pour les dommages corporels puisque c’est le Fonds de garantie qui prend tout en charge. Et qui dit un seul débiteur dit démarches facilitées pour les blessés ou les familles des victimes. Du côté des assurances, les débiteurs potentiels sont de fait nombreux, tant au niveau individuel (assurance vie, assurance hospitalisation ou assurance accidents du travail) que public puisque les exploitants de lieux publics doivent obligatoirement être assurés contre les risques d’explosion, mais une victime de Maelbeek ne s’adressera pas au même débiteur qu’une victime de Zaventem.
MORGANE KUBICKI