Très peu de Turcs de Belgique se radicalisent et partent en Syrie. Koen Geens aimerait accentuer encore cela, en amplifiant le rôle apaisant que leurs imams exercent chez nous.
Le bâtiment en impose, sous le chaud soleil de mars. Juste à côté, une mosquée le prolonge. Et la douceur des premiers chants d’appel à la prière qui s’échappent de son minaret donne à l’ensemble un parfum de carte postale presque trop parfaite.
C’est ici, à quelques minutes du centre d’Ankara, que siège Mehmet Görmez. Depuis 2010, il préside le Diyanet, la puissante haute autorité des affaires religieuses turques. L’organisation pèse lourd. Dotée d’un budget colossal de 2 milliards d’euros, elle règne sur pas moins de 80.000 mosquées de par le monde. On en dénombre une septantaine en Belgique, faisant de la Diyanet la principale coupole des mosquées turques de chez nous.
Très modérés
La structure intéresse depuis un petit temps déjà Koen Geens (CD&V), qui a le financement des cultes dans ses attributions. « On constate en effet que, parmi les Turcs de Belgique, extrêmement peu se sont radicalisés et sont partis combattre en Syrie », explique-t-il. « Les imams turcs formés ici avant de venir chez nous ont une tendance très modérée en termes de radicalité. Ils regrettent d’ailleurs d’être confondus avec la violence du Moyen-Orient . »
Un master complémentaire
Mais Koen Geens aimerait amplifier encore un peu le phénomène. C’est dans ce cadre qu’il a été reçu ce mercredi par Mehmet Görmez. En l’accueillant, le religieux s’est ouvertement réjoui que « dans les autres pays, les cultes relèvent du ministre de l’Intérieur, c’est-à-dire de la sécurité, alors que chez vous, en Belgique, le département de la Justice est concerné aussi, parce que vous vous préoccupez également de la liberté… »
« Les Turcs de Belgique ne sont pas encore assez intégrés. Trop souvent il y a des enclaves », regrettait néanmoins Koen Geens, au sortir de sa longue entrevue. « Il y a des choses que l’on pourrait donc améliorer. J’ai proposé au président du Diyanet de parfaire la formation des imams quand ils arrivent sur le sol belge. Il s’est montré très intéressé. On s’est entendu pour en reparler . »
L’idée belge serait d’ajouter une sorte de master non théologique, obligatoire avant de pouvoir exercer dans nos mosquées. Ce serait l’apothéose d’un parcours qui, le plus souvent, démarre dès l’école primaire. Les imams y appréhenderaient mieux nos réalités, et seraient mieux armés pour prôner ensuite une meilleure vie en commun avec la population belge, donnant en contrepartie aux Turcs davantage de chances de s’élever dans la société.
Le souhait, en fait, est partagé par d’autres pays européens dressant le même constat, dont la France et l’Allemagne. Mais des négociations ouvertes avec cette dernière ont récemment échoué. Koen Geens s’en dit conscient. « Pour l’heure, je m’interdis juste de rêver… », conclut-il dans un sourire.
Christian Carpentier