La loi permettant le plaider coupable entrera en vigueur le 1er mars. Elle permettra aux auteurs d'une infraction dont la peine de prison est de moins de 5 ans d'obtenir une réduction de peine.
Il y a un peu de tout dans la loi pot-pourri II voulue par le ministre de la Justice Koen Geens et modifiant le droit pénal et la procédure pénale. Comme cette loi de "plaider coupable" publiée au Moniteur belge la semaine dernière et qui entrera en vigueur le 1er mars. Le principe en est fort simple. Cette loi permettra à l'auteur d'une infraction de reconnaître sa culpabilité et d'ainsi obtenir une réduction de sa peine. La procédure, qui ne vaut que pour des faits pour lesquels la peine de prison est inférieure à cinq ans, devrait également permettre de désengorger les tribunaux. Tel est, en tout cas, le souhait du ministre de la Justice.
Plus de sécurité juridique
Du côté de l'Institut des juristes d'entreprise, on salue la promulgation de cette loi à partir du moment où elle devrait renforcer la sécurité juridique des entreprises. "Cela va éviter aux entreprises des procédures longues et incertaines", a expliqué Lieve Vandoorne, conseillère juridique à l'Institut. Ce que les juristes d'entreprise digèrent moins, c'est la présence obligatoire d'un avocat lors de cette procédure de plaider coupable. Un point de vue non partagé par les avocats, on s'en doute.
Françoise Lefèvre et Florence Danis, toutes les deux avocates chez Linklaters, estiment que la quasi-totalité des délits dont les entreprises pourraient se rendre coupables tomberont sous le coup de la nouvelle loi (blanchiment, faux en écriture, corruption...). Une procédure qu'elles jugent préférable lorsque les faits ne sont pas contestables. "Cela mettra un terme plus rapidement au problème", expliquent-elles. "Cette loi permettra aux entreprises concernées d'être fixées plus rapidement sur leur sort, ce qui permet d'éviter une période d'incertitude juridique", a complété Françoise Lefèvre.
Concrètement, lorsque le parquet et l'auteur d'une infraction en aveu ont signé une convention, celle-ci devra être homologuée par le tribunal. Il n'y a plus moyen de faire marche arrière, plus de possibilité de faire appel. Pour Florence Danis, cette procédure met en place un système de double protection assurée par la présence de l'avocat tout au long de la procédure et renforcée par un délai de réflexion entre la signature de l'accord avec le parquet et l'homologation par le tribunal.
L'initiative de cette procédure de reconnaissance de culpabilité reviendra au parquet ou à l'auteur de l'infraction et sera l'objet d'une négociation. Il ne peut pas être question d'imposer une telle démarche à suivre, ont encore précisé Françoise Lefèvre et Florence Danis. Une telle procédure ne pourra plus être appliquée si une première décision sur le fond de l'affaire a déjà été rendue.
De son côté, Jean-Pierre Buyle, avocat et vice-président d'Avocats.be (Ordre des barreaux francophones et germanophone) craint que cette nouvelle loi n'entraîne un affaiblissement de la fonction de juge. Cette nouvelle loi "est la mort annoncée du juge. On donne un poids important au parquet qui devient le cocontractant de l'accusé", s'inquiète Jean-Pierre Buyle. Ce dernier voit dans la procédure du plaider coupable une double atteinte aux droits de la défense et au principe de la séparation des fonctions au sein de la Justice. Il redoute que le parquet ne se retrouve dans la position de celui qui poursuit avant de juger. "Or, une même instance ne peut poursuivre et juger. Le parquet sera au four et au moulin." Le vice-président d'Avocats.be redoute également que cette nouvelle possibilité ne corresponde à une extension du filet pénal. À terme, estime Jean-Pierre Buyle, le plaider coupable risque de remplacer le classement sans suite.
En France, le plaider coupable a été instauré en 2004.
NICOLAS KESZEI