In tempore non suspecto – mars 2015 –, le ministre de l’Enseignement supérieur Jean-Claude Marcourt a institué une commission « islam de Belgique » réunissant toutes les sensibilités musulmanes du pays mais aussi des professeurs, des philosophes… Objectif ? Favoriser l’émergence d’un islam moderne, en phase avec les valeurs de notre société en vue de constituer un rempart à l’islamisme radical importé d’autres pays. Une initiative qui prend une résonance toute particulière aujourd’hui, suite aux attentats de Paris.
Où en est-on dans les travaux de cette commission ?
J’attends ses recommandations pour début décembre. On est à la fin du processus. On a déjà budgétisé 400.000 euros en 2016 pour démarrer la mise en œuvre des recommandations. Je viendrai le plus rapidement possible devant le gouvernement avec des propositions concrètes.
L’un des objectifs principaux est la création d’un cursus universitaire pour la formation des imams. Pouvez-vous en dire plus ?
J’attends de lire le rapport de la Commission. L’idée est de développer quelque chose d’interuniversitaire, d’interdisciplinaire et qui ne se limite pas aux imams. On voudrait donner les mêmes outils – peut-être de manière différente – aux visiteurs de prison, à ceux qui s’occupent d’associations culturelles… Tout ne doit pas forcément être universitaire. Le but est d’apporter à tous ceux qui collaborent à la religion musulmane des outils culturels, scientifiques… leur permettant de développer une religion en accord avec le territoire sur lequel elle se situe, avec nos valeurs démocratiques, avec notre culture. Il n’est bien sûr pas question de s’occuper du corpus de la religion en tant que tel.
Quid d’une émission concédée consacrée à la religion musulmane sur les antennes de la RTBF ?
Il n’y a jamais eu moyen d’organiser une telle émission. Pour les musulmans mais aussi pour tous ceux qui veulent s’intéresser à cette religion, il y a là un vide qu’il faut tenter de combler. On va voir dans le rapport s’il y a des propositions concrètes ou s’il faut encore travailler sur le sujet.
Un ministre qui s’occupe d’affaires religieuses dans un pays où on respecte le principe de la séparation des Eglises et de l’Etat, n’est-ce pas problématique ?
C’est très particulier. J’ai eu des problèmes de conscience. Est-ce bien mon rôle ? Puis je me suis dit : « Si je ne le fais pas, qui le fera ? » C’est à la demande des musulmans eux-mêmes que j’ai créé cette commission. Ils m’ont dit que vu l’organisation même de leur modèle religieux très décentralisé, c’était compliqué et qu’ils avaient besoin d’un appui technique du gouvernement. Je constate que mon initiative, prise dans un moment non polémique, est tout à fait justifiée et est rejointe par le ministre de la Justice Koen Geens qui a rencontré lundi le président de l’Exécutif des musulmans pour parler de la formation des imams. On doit surmonter l’émotion actuelle pour revenir à la raison et prendre des dispositifs qui permettront à nos communautés de vivre en harmonie. Je ne pense pas que ce soit un vœu pieux.
JEAN-FRANÇOIS MUNSTER