Les principales mesures qui vont toucher le citoyen, les avocats et les magistrats sont connues. Koen Geens a présenté le premier volet de sa loi « pot-pourri ».
Koen Geens (CD&V) a présenté, ce vendredi matin au Conseil des ministres, le premier volet de sa loi « pot-pourri » annoncée en mars dernier. Un ensemble d’une vingtaine de mesures déclinées à travers 70 dispositions touchant aux matières civiles et destinées à simplifier les règles de procédure dont certaines, estime le ministre de Justice, sont archaïques, inefficaces ou trop coûteuses.
« Au-delà de la volonté de réduire la charge de travail pour les magistrats, l’objectif est de rendre ces règles plus efficaces, sans toutefois toucher à l’essence même des principes de droit et aux droits de la défense », justifie-t-il.
Un deuxième, puis un troisième volet de la loi « pot-pourri », respectivement en lien avec le droit pénal et la procédure pénale, et l’organisation judiciaire, sont actuellement en préparation.
1. Appel
Le paiement des dettes ne sera plus suspendu
Pour limiter la multiplication de certaines procédures en appel qui ne sont en réalité que des moyens dilatoires déguisés, instrumentalisés pour retarder le paiement d’une somme jugée due en première instance, toutes les décisions prises en premier ressort seront dorénavant exécutoires. À moins que le juge n’estime que la suspension doive être maintenue en raison de la nature du litige, par exemple dans un dossier de divorce.
À quelques exceptions près, donc, le principe sera le suivant : une fois que le débiteur est condamné en justice, il est contraint de s’acquitter immédiatement de la somme due même en cas d’appel. La possibilité de bloquer la somme et de ne la libérer que lorsque la condamnation aura été confirmée en appel est maintenue. « De cette manière, on continue de protéger le droit des personnes condamnées en première instance mais on ne leur offre plus la possibilité de bloquer le versement de la somme due jusqu’à la fin de la procédure en appel », argumente Koen Geens.
Une mesure qui s’avère d’autant plus pertinente, ajoute-t-il, qu’il est difficile de prouver que l’appel introduit par l’une des parties n’est destiné qu’à gagner du temps… ou à faire enrager l’autre partie. « Il est clair qu’il y a, à l’heure actuelle, des abus de ce type. Et bien que les mesures dilatoires puissent être sanctionnées, notamment en condamnant à des dommages et intérêts pour appel vexatoire et téméraire, notre justice s’est toujours montrée très parcimonieuse avec ce type de condamnation ».
2. Conclusions
Limiter les recours en cassation
Les avocats devront mieux structurer leurs conclusions et devront se montrer plus clairs sur l’objet de leur demande. « Cette exigence de transparence et de clarté n’est pas anodine. Actuellement, le moindre problème peut nous coûter une cassation ».
Mais les avocats, eux, vont-ils se satisfaire d’une décision qui ne répond que partiellement à leurs arguments ? Les droits des justiciables seront-ils encore pleinement respectés ?
« Je ne pense pas que cela pose problème », se défend le ministre. « Jamais une argumentation n’a perdu de sa force de par sa plus grande clarté ». Reste à voir si les avocats et leurs clients seront du même avis…
3. Audiences
Des chambres de trois à un juge
Une chambre, un juge. À l’heure actuelle, la plupart des affaires plaidées en première instance et en appel sont examinées par trois juges. Les juges des saisies et de la Jeunesse, par contre, siègent seuls.
À l’avenir, le juge unique sera la règle pour les matières civiles et correctionnelles, exception faite pour le tribunal du commerce et du travail où la présence des juges consulaires et des juges sociaux est toujours requise ainsi que pour certains dossiers « délicats » pour lesquels les parties sollicitent un examen par une chambre à trois juges. Quelles affaires feront exception ? Ce sera au chef de corps d’en décider.
Au pénal, par contre, pas question de faire l’économie de deux juges pour les dossiers plaidés en appel et pour lesquels la sentence peut être alourdie. A noter que les juges appelés à siéger en solo seront formés à l’exercice et ne pourront le faire qu’après un an minimum d’expérience en chambre à trois juges.
À nouveau, pas certain que la disposition soit au goût des magistrats et des avocats qui pourraient voir dans cette mesure une économie de plus qui pourrait mettre en péril le principe d’impartialité ? « Certains y sont favorables, d’autres pas… », admet Koen Geens qui soutient que la mesure ne répond pas à un problème de pénurie de magistrat, le cadre étant rempli à 95 %.
4. Ministère public
Avis facultatif, sauf exception
Le ministère public est appelé à donner un avis dans quantité de dossiers. C’est par exemple le cas dans les affaires de faux en écriture, de récusation, de discrimination, de racisme, de transsexualité, de xénophobie et les délits de presse. « Rendre ces avis qui n’apportent pas toujours grand-chose au dossier demande une énergie incroyable et exige que le ministère public soit présent à l’audience ».
À l’avenir, cette consultation sera facultative, sauf cas exceptionnels où la plus-value ne fait aucun doute (en ce qui concerne les affaires sociales et les dossiers jeunesse, par exemple). Mais ces cas doivent encore être déterminés.