Une justice rapide, efficace mais surtout en adéquation avec son temps. C'est ce qu'a défendu mercredi Koen Geens devant la Commission de la Justice. Le ministre CD&V a notamment détaillé son délicat projet (en raison de la question du respect de la séparation des pouvoirs qu'il soulève) de soumettre les cours et tribunaux à un contrat de gestion à l'horizon 2017 et ce, en vue de mieux maîtriser les coûts d'une justice au pain sec et à l'eau.
Outre les projets pilotes de tribunal et de guichet unique, Koen Geens a confirmé sa volonté de renforcer l'aide juridique de première ligne. Et pour résorber l'arriéré judiciaire, cauchemar de ses prédécesseurs, il mise sur une rationalisation du travail des magistrats.
Très attendues également, les précisions que devait apporter le ministre quant aux moyens qui seront mis en œuvre pour lutter contre la surconsommation de la justice. Soit une supervision plus stricte des utilisateurs de l'aide juridique de deuxième ligne à travers la prise en compte de tous les revenus pour la reconnaissance de ce droit, mais aussi une meilleure utilisation des avocats pro deo.
Si le risque de voir ces réformes aboutir à une justice à deux vitesses, au préjudice des bas et moyens revenus, a été évoqué à plusieurs reprises, certains députés ont aussi fait part de leur inquiétude quant à la préservation de l'équilibre entre un durcissement annoncé de certaines sanctions pénales (dont la création de peines de sûreté) et l'élargissement des mesures alternatives telles que le bracelet électronique, la probation ou la médiation pénale.
Autre grand chantier: la modernisation du code pénal et du code de procédure pénale (notamment en ce qui concerne l'échelle des peines) dont certaines dispositions sont jugées obsolètes. « La société du XXIe siècle ne peut fonctionner avec de vieux codes », insiste celui qui entend dépoussiérer le droit, quitte à emprunter quelques dispositions au Common Law avec l'introduction du «plaider coupable».
De la conciliation
à la réconciliation
Pour parvenir à «redresser» la justice et à rétablir la confiance entre les acteurs du monde judiciaire et le monde politique, Koen Geens mise sur la consultation et la concertation pour établir, dit-il, un «pot-pourri» des réformes nécessaires à court terme.
Sa priorité: trouver des solutions concrètes pour répondre aux attentes des acteurs de son département (magistrats, experts judiciaires, personnel pénitentiaire…) sur le plan budgétaire.
Du financement de la justice, il en a été largement question mercredi. Comment mener à bien ces ambitieuses réformes avec un budget raboté de 20%? Le casse-tête financier semblait ce mercredi tarauder bien des esprits.
Après avoir cautionné les grandes lignes de la note, Zakia Khattabi (Ecolo) a déploré le caractère « irréalisable » de la plupart de ces mesures rêvées par le ministre CD&V au regard des maigres moyens alloués à son département. La députée a aussi exprimé ses craintes quant au principe d'autofinancement de la justice et à ce contrat de gestion qui est dans les cartons. Elle y voit le signe « d'une démission de l'Etat dans une de ses fonctions régaliennes ». « En vue d'une étape supplémentaire… , ironise à son tour Olivier Maingain (FDF). On sort d'une réforme qui a été menée en dépit du bon sens, qui est une cote mal taillée assortie de dérogations sur mesures. Les acteurs de la justice se demandent où tout cela va les mener. Et ce n'est pas en annonçant de manière linéaire des coupes budgétaires que nous allons leur répondre. »
Tout ce que vous venez d'exposer figurait déjà dans les déclarations de vos prédécesseurs. Et tous ont été bloqués par l'absence de moyens. Comment allez-vous faire? Il faudra que vous obteniez des rallonges budgétaires , a questionné Christian Brotcorne (CDH), qualifiant au passage l'informatisation de la justice de «monstre du Loch Ness». Or sans un bon outil informatique, je ne vois pas comment réaliser vos projets. »
Que du contraire, rétorque la députée Sophie De Wit, volant au secours de son partenaire de majorité. Pour la députée N-VA, l'informatisation de la justice permettra justement de réaliser de précieuses économies.
Il ne faut pas se limiter à la lecture du budget quand on examine les moyens mis à disposition. Par ailleurs, de bonnes lois ne coûtent rien.