Koen Geens a lancé mercredi un appel au parlement à contribuer avec lui au redressement de la Justice, les acteurs judiciaires observant une grande "méfiance" vis-à-vis du monde politique. Le ministre de la Justice suggère une sorte de "pot-pourri" pour alimenter les réformes nécessaires à court terme. Il y a lieu de simplifier le fonctionnement de la Justice de manière à diminuer la charge de travail, a-t-il dit.
Koen Geens promeut une large concertation avec le parlement et les acteurs de la Justice. Des réformes à court terme sont nécessaires mais méritent le temps de la réflexion au parlement, a exposé le ministre venu présenter sa notre d'orientation en Commission de la Justice. Il va falloir se "hâter lentement", a souligné M. Geens. "Festina lente", a-t-il répété, un clin d'oeil au président de la N-VA Bart De Wever, adepte des maximes latines. Le ministre de la Justice a convenu que, comme d'autres, sa politique serait corsetée par le contexte budgétaire d'austérité qui caractérise l'action du gouvernement fédéral. A très court terme, il tente d'ailleurs de trouver des solutions alors que de nombreux acteurs de son département, magistrats, experts judiciaires, personnel pénitentiaire, frappent à sa porte avec des griefs budgétaires. A moyen et long terme, le ministre CD&V appelle à une refonte du Code pénal et de la procédure pénale afin d'entrer de plein pied dans le droit du XXIe siècle. Il s'agit d'adapter des textes qui datent souvent du XIXe siècle. L'échelle des peines notamment ne correspond plus tout à fait au monde d'aujourd'hui. Saluant les qualités et le volontarisme du ministre, l'opposition a affiché mercredi son scepticisme à l'égard de sa capacité à assouvir son ambition vu les contraintes budgétaires qui pèseront sur son action. Vous apparaissez tel "un ange descendu du ciel" mais hormis l'appel à la concertation, l'exercice du jour est couronné de "déception", a lancé Zakia Khattabi (Ecolo). La députée a salué l'ambition de la note d'orientation du ministre mais regretté son caractère "irréalisable" voire "irréaliste". Celle-ci a égrené quelques éléments positifs dont l'intérêt accordé aux peines de substitution et à la médiation mais également d'autres, "plus inquiétants". Zakia Khattabi a notamment épinglé l'autofinancement de la Justice qui conduira à "une démission de l'Etat dans une de ses fonctions régaliennes". Egratignant l'ex-ministre de la Justice Annemie Turtelboom, Christian Brotcorne (cdH) a évoqué le "plaisir" d'accueillir au parlement son successeur, un juriste "habile", fin connaisseur des dossiers. Mais "à peu de choses près, tout (ce que vous annoncez) figurait déjà dans les intentions de vos prédécesseurs et tous ont buté sur l'absence de moyens", a-t-il souligné. Le député centriste a dès lors dit craindre pour l'informatisation de la Justice, moteur, avec le budget, d'un bon fonctionnement du département. Il s'est également inquiété de l'accès à la Justice. Cela manque de moyens et la situation sera même pire qu'avant, a prédit Christian Brotcorne, le département n'ayant cette fois pas été immunisé de l'effort budgétaire. Insistant également sur le caractère essentiel de la donne budgétaire, le président des FDF Olivier Maingain a cité l'exemple de la justice accélérée annoncée par la majorité alors qu'elle est déjà à l'oeuvre mais peu exploitée faute de moyens. Globalement, M. Maingain a dit craindre que les coupes budgétaires touchant les fonctions régaliennes de l'Etat ne visent qu'à justifier à terme, à l'initiative de la N-VA, les manquements de l'Etat central et dès lors, la nécessité de préparer la prochaine réforme de l'Etat. Dans une recommandation, Özlem Özen (PS) a invité le ministre à immuniser le budget de la Justice des efforts demandés par le gouvernement. Autrement, les plus faibles dans la société feront les frais des réformes, notamment à travers la nouvelle mouture de l'aide juridique, a-t-elle dit. Au-delà, la députée socialiste a affiché sa déception en l'absence de "véritable orientation" dans le chef d'un ministre porteur de "déclarations d'intention". Ce n'est "ni un ange ni un démon", c'est censé être "superman", celui qui doit faire mieux avec moins, a encore dit Özlem Özen. Sur les bancs de la majorité, Sophie De Wit (N-VA) a applaudi le projet politique du ministre, l'invitant à avancer rapidement dans les réformes. La recherche d'un équilibre garantissant le respect des droits des justiciables est importante, a-t-elle précisé, mais elle ne pourra constituer un "frein" aux réformes. Face aux critiques de plusieurs députés, Carina Van Cauter (Open Vld) a défendu l'action du prédécesseur de Koen Geens, Annemie Turtelboom. Elle s'est réjouie de la volonté de l'actuel ministre de s'inscrire dans "la continuité", l'ex-gouvernement ayant initié nombre de réformes dont celle du paysage judiciaire. Koen Geens a confirmé son intention de poursuivre la réforme de l'organisation judiciaire et l'informatisation de la Justice malgré un contexte budgétaire difficile. Il a également répété sa volonté de revoir l'aide juridique de deuxième ligne.