Jeudi, en séance plénière, la Chambre devait voter le projet de loi portant insertion d’un nouveau livre dans le Code civil, en pleine phase de réforme. Cette partie du Code porte sur l’administration de la preuve en matière civile.
Le droit de la preuve nous concerne tous car il s’applique à toute une série d’actes quotidiens. Actuellement, si vous achetez un bien d’une valeur supérieure à 375 euros, un accord écrit est nécessaire. La réforme du droit de la preuve fixe désormais ce seuil à 3 500 euros. En dessous de ce montant, d’autres modes de preuve de la transaction seront accueillis.
Exemple : si vous achetez un vélo électrique de seconde main sur Internet pour 1 000 euros, un SMS ou un e-mail suffira comme preuve de votre achat. Jusqu’à présent, la jurisprudence n’était pas unanime en matière de preuve numérique. Souvent, les courriels n’étaient considérés que comme un commencement de preuve.
Banques, hôpitaux, etc.
L’un des autres points importants de la réforme porte sur l’autorisation donnée au juge de renverser la charge de la preuve, en raison de circonstances exceptionnelles, notamment dans les cas où l’application des règles ordinaires sur la charge de la preuve serait déraisonnable.
Cette règle s’inspire du principe de l’égalité des armes : le juge aura la possibilité de corriger le déséquilibre entre les possibilités de preuve des parties. Il pourra redistribuer la charge de la preuve si, par exemple, certains documents ont disparu du fait de l’écoulement du temps ou sanctionner une partie qui refuse de coopérer à l’obtention des preuves. Il s’agit toutefois d’un dernier recours. Cette possibilité laissée au juge vise à éviter des discussions interminables devant le tribunal.
Un exemple concret : vous retirez de l’argent à un distributeur automatique de billets et un problème survient. L’appareil ne délivre pas les billets demandés mais votre compte en banque, lui, est débité. Aujourd’hui, la banque peut assez facilement s’exonérer de toute responsabilité si vous ne démontrez pas que le distributeur ne vous a pas délivré les billets.
Désormais, le juge pourra décider, s’il constate la mauvaise foi de l’organisme bancaire, renverser la charge de la preuve. Si la banque n’est pas en mesure de prouver que le distributeur a bel et bien sorti les billets, vous obtiendrez gain de cause en tant que plaignant.
Autre exemple : actuellement, si vous voulez engager la responsabilité d’un médecin ou d’un hôpital pour une erreur médicale, il faut apporter la preuve de l’existence de cette erreur, ce qui est, le plus souvent, extrêmement difficile. Dorénavant, en cas de mauvaise foi dans le chef du médecin ou de l’institut hospitalier, le juge pourra contraindre ces derniers à prouver qu’aucune erreur n’a été commise.
Un autre changement notable, introduit dans le cadre du droit de l’entreprise, porte sur la preuve de l’entreprise. La libre administration de la preuve valant entre les entreprises est étendue aux professions libérales, aux agriculteurs par exemple.
Un texte datant de 1804
Parallèlement, la preuve contre des entrepreneurs pourra être apportée librement, sans pièce écrite, même si le montant de la transaction est supérieur à 3 500 euros.
En outre, la valeur probante d’une facture est applicable à d’autres contrats que les contrats de vente.
La réforme du Code civil était ardemment désirée par le ministre de la Justice Koen Geens qui estimait qu’on ne pouvait plus vivre avec un texte datant de 1804 et qui avait à peine été modifié depuis lors.J.-C.M.
J.-C.M.